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Kasai Direct

20 décembre 2023

Mon beau village

Mon beau village,
niché dans une vallée verdoyante,
L'air pur et tiède y souffle
des narines du Dieu vivant.

Les cases de mon beau village
sont bâties à la ronde,
autour d’un idéal commun.
Ce sont les cases chaudes,
Toutes chauffées du soleil d'amour.

Mon beau village a la terre fertile,
traversée des ruisseaux charmants,
d'où poussent les âmes bien nées,

Dans mon beau village
les vivants et les morts se nourrissent, se parlent.
Le bonheur n'est pas dans la richesse,
mais dans l'épanchement des cœurs!

 

Lumbamba Kanyiki

 

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1 décembre 2023

Souffrance de père

père portant son fils

Souffrance silencieuse à l’abri de tout regard
Une plainte juste étouffée, muette ;
Telle une rivière sous les roches des montagnes verdoyantes
Ses larmes de honte coulent de son âme en souffrance
Sous des apparences de parade

Souffrance de père, méconnue, incomprise,
Elle traverse des nuits d’insomnie,
Des cauchemars de folie
Pour déboucher sur les matins des ingratitudes.

Souffrance d’abandon et de don de soi
Souffrance de sacrifice
dont le seul salaire est le sourire reçu des siens

Souffrance de père, parfois prise pour indifférence
Il la porte comme un fardeau du bagnard
Et la traîne dans une prière à un dieu aveugle et sourd

Souffrance de père, une souffrance héroïque
Que l’on reconnaît tard, très tard
Souffrance d’un loup solitaire blessé
Qui s’éteint seul, à l’abri de tout regard,

Sans un mot


Lumbamba Kanyiki

 

 

19 novembre 2023

C’est ma maison

maison détruite

Le poète s’inspire d’une déclaration d’un Palestinien qui refuse de quitter sa maison pour se réfugier ailleurs. Il dit : C’est ma maison ; où irais-je ? ». Le poète ne fait que vous livrer simplement le fond de sa pensée.

C’est ma maison
Sur ma terre.
Où irais-je ?

Ici, je suis né ;
Ici, je mourrai

Près des miens.

Qu’importe les bombes !
J’y suis,
J’y reste.

C’est ma maison
Sur ma terre
Ici, je mourrai

Près des miens.

 

Lumbamba Kanyiki

 

29 octobre 2023

Il y a quelque chose de divin dans la femme

femme divine

 Ali Khaban venait de terminer la lettre qu’il avait écrite à sa grand-mère, le seul membre de sa famille qui lui restait, pour lui expliquer ce qu’elle allait peut-être entendre plus tard par la voie des ondes et pour lui dire adieu. Avec des gestes calmes et posés, il l’a pliée et glissée dans l’enveloppe. Il s’est, ensuite, mis debout, a fait sa séance de prière au milieu de son petit studio qu’il occupait depuis son arrivée dans ce pays, il y a presque 3 ans. Après sa prière, il a ramassé le sac à dos qu’il avait déjà préparé. Tout ce dont il avait besoin y était. D’un pas décidé, il est sorti pour la dernière fois de chez lui, a claqué la porte, sans même jeter un regard derrière. Arrivé dans le couloir, il a appuyé son doigt sur le bouton de l’ascenseur et a jeté un coup d’œil sur les numéros qui s’allumaient très lentement devant ses yeux. Attendre l’ascenseur risquait de lui faire perdre du temps. Il s’est lancé alors en courant dans l’ escalier qui descendait. Et pourtant, il logeait au septième étage! La camionnette de marque Toyata qu’il avait louée la veille l’attendait en bas. Un bolide robuste, tout terrain, muni d’un pare-choc à toute épreuve.

Dans quelques minutes, le voilà sur la route vers la poste. La circulation était assez fluide en cette fin d’après-midi de décembre, mais la nervosité gagnait Ali Khaban au fur et à mesure que le temps passait. Il a jeté un coup d’œil sur le sac à dos qui gisait sur le siège passager, l’a caressé de doigts. Une voiture a stoppé devant lui pour faire descendre deux brunes en mini-jupe. Fâché, il a donné un coup de klaxon de protestation. La voiture a redémarré sans faire attention à lui, ce qui l’a énervé davantage. Finalement, il a parqué son véhicule devant la poste. En y pénétrant, il est découragé à la vue de la longue file qui avançait tout doucement vers le comptoir occupé par deux travailleuses derrière une vitre. C’est qu’en cette période de fin d’année, beaucoup de gens envoyaient des colis pleins de cadeaux à leur proches. Lorsque son tour est arrivé, Ali Khaban a donné son enveloppe. La dame au comptoir y a lu „Palestine“, puis s’adressant à Ahmed:
- Normal ou express?
- Normal, s’il vous plaît!
-1,10 €, s’il vous plaît!
Ali Khaban lui a tendu la pièce de deux Euros, et est sorti sans attendre le reste de la monnaie. La travailleuse de la poste l’a regardé partir avec des yeux tout ronds.

La Place Saint-J. était pleine de monde: des piétons à la recherche des cadeaux, des jeunes gens qui voulaient juste passer du temps devant un verre ou une glace, des travailleurs qui venaient de terminer leur journée de travail et se précipitaient dans des parkings ou à la gare pour rentrer chez eux. Tout à coup, des cris stridents, hystériques venant du côté nord de l’entrée de la Place Saint-J., suivis des mouvements de panique. Les gens fuyaient en direction du centre, puis vers le sud, en criant: terroristes ! Les terroristes attaquent !
C’était Ali Khaban qui venait de faucher ses premières victimes. Le moteur lancé à toute vitesse, la Toyota apparaît. Elle fonce sur les gens, sans distinction. Elle zigzague dans la poursuite des fuyards, renverse tout sur son passage : des gens, grands et petits, des chaises et des tables à la terrasse ; elle tangue en sautant sur des grosses pierres et des pots de plantes. Maintenant, presque tout le monde a fui ou s’est mis à l’abri. Les magasins et les cafés tout autour de la place ont rapidement fermé leurs portes.
Ali Khaban sort du véhicule, poitrine bombée dans son T-shirt noir, biceps saillants. Il tient un long poignard dans sa main droite. Et le voilà qui court dans la direction empruntée par la plupart des fuyards. Après près de 500 mètres, il arrive à une bifurcation en forme d’un Y. Instinctivement, il prend à gauche. La voie est vide, mais il remarque à une centaine de mètres de lui, une forme humaine qui, de loin, avance dans sa direction. Ali Khaban est contrarié. C’est une femme noire, svelte et d’allure sportive, vêtue d’un manteau brun à peau de chameau. Ses cheveux en tresses, noués par un ruban de la même couleur que le manteau, coulent sur ses épaules. Quarantaine révolue, elle avance vers lui, souple comme un félin, sûre d’elle-même comme la reine Cléopâtre, balançant juste les bras, avec un sac à main porté à l’épaule ; ce qui contrarie davantage le jeune homme qui a ralenti sa course. Maintenant, les deux se font face.
- Qu’est-ce que tu me veux ? hurle-t-il. Depuis qu’il avait crié son Allah Akbar » avant de lancer sa camionnette bélier, il n’a rien dit de plus.
-  Arrête tes conneries et donne-moi ce couteau !  lui dit la femme, d’un ton ferme. Ali Khaban croit rêver. Il se rappelle sa mère qui lui disait toujours la même phrase, lorsqu’elle le surprenait en train de faire des jeux qu’elle jugeait dangereux : « Arrête tes conneries  et remets-moi ça! »
La femme s’avance encore une fois dans sa direction et lui dit : « Allez, donne ! ». Ali Khaban renfrogne son visage, le regard étonné rivé sur la femme. Curieusement, c’est encore le ton de sa mère qu’il entend ! Son poignard toujours à la main, il se ressaisit et essaie de toiser la femme avec dédain; car, estime-t-il, c’est lui le justicier et pas elle. Mais la résistance ne dure pas longtemps; un lac de larmes se forme dans chacun de ses yeux. Voyant le revirement de la situation, la femme lui ouvre les bras : « Allez, viens ! » Elle fait un pas de plus, et, instinctivement, le garçon vient s’effondrer sur sa poitrine. Le front sur son épaule, il se met à pleurer abondamment. Elle lui caresse le dos à travers le T-shirt trempé par la sueur qui sent le fauve.

Pendant ce temps, ni Ali Khaban ni la femme ne remarquent les policiers qui les tiennent en joue devant comme derrière. Au bout d’un moment, un des policiers crie : « Déposez votre poignard, jeune homme ; vous êtes en état d’arrestation. ».

A l’écoute de la voix ferme venant du mégaphone, Ali Khaban est secoué comme quelqu’un ayant reçu une charge électrique. Alors, il se détache lentement de la femme. C’est à ce moment qu’ il se rend compte qu’elle pleure, elle aussi.
-  Je viens avec toi ,lui dit-elle.
-  Non, ne te mêle pas de ça ; c’est mon affaire.
En effet, il est venu pour se battre ; il mourra, l’arme à la main. Il repousse vivement la femme, et fonce vers eux, son poignard à la main. Crépitements des balles. Ali Khaban s’écroule, le visage contre le macadam. Le sang, giclant de sa tête et de sa poitrine, forme progressivement deux taches rouges, qui, en s’agrandissant, finissent par se joindre.

La femme noire crie de douleur. Un long cri qui jaillit de ses tripes, le cri d’une femme-mère pour une âme qui s’en va. Puis, elle s’ accroupit sur le jeune homme étendu, lui caresse les cheveux ensanglantés. « Tu n’aurais pas dû faire ça »! pleure-t-elle. Un des policiers s’approche d’elle et d’un bras tendre, lui entoure les épaules.
Parmi les curieux qui ont assisté à la scène et qui forment maintenant un cercle autour du mort et de la police, un clochard s’écrie en parlant de la femme : « Il y a quelque chose de divin dans cette femme ! ». Mais cette dernière s’en est déjà allée, engloutie par la foule de badauds.

 

Lumbamba Kanyiki

 

27 octobre 2023

Je suis Muzalendo (poésie)

WAZALENDO1

Je suis Muzalendo, béni de mes aïeux
sur mes terres je t’ai accueilli, chacal errant.
A mon grenier, je t’ai nourri
Sous mon toit, je t’ai logé,
Sur les flancs de mes collines verdoyantes
Tu as conduit tes bêtes
à mes rivières coulant dans de larges vallées
Tu les as abreuvées.

je t’ai appelé ami, je t’ai appelé frère
Dans la traîtrise de tes pensées coupables
Tu as cherché ma mort
pour t’emparer de mes terres, les terres de mes aïeux.

Oint de mes pères, avec l’armure de vérité,
derrière le bouclier de justice.
je te combattrai sur mes terres,

Étranger, tu n’as nul gain de cause
Je te retourne d’où tu es venu
Avec l’énergie à toute épreuve de mes intimes convictions,
Pour l’amour de mes enfants et la paix de tous les miens.
Je suis Muzalendo.


Lumbamba Kanyiki

 

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21 octobre 2023

Le corbeau et le renard à la congolaise

Nangaa

Maître Kabila, sur sa terrasse perché, tenait dans sa bouche son pouvoir
Maître Fatshi, par l’odeur alléchée, lui tint à peu près ce langage:
„Bonjour son excellence Kabila! Que vous êtes bon et généreux!
Que vous êtes riche! Et tout votre entourage est fier et de vous heureux!
S’il vous plaît, accordez-moi une seule faveur,
Voilà mon peuple en pleurs; dites-lui seulement un mot."
Maître Kabila, touché par ces paroles, voulut dire quelque chose.
Il ouvrit sa large bouche barbue, laissant du coup tomber le pouvoir
Maître Fatshi s’en saisit et dit:
« Vous et les vôtres appartenez désormais au passé. Le peuple d’abord! »
Il prit le pouvoir et devint le maître bâtisseur.
Il construisit des routes, des ponts, des écoles, des hôpitaux
En lui, le peuple se réjouit.
Maître Kabila et les siens crièrent à la duperie
Et jusqu’aujourd’hui, ils pleurent le pouvoir perdu, et veulent le mettre à mort!

Lumbamba Kanyiki

16 septembre 2023

Le pendu du centre de réhabilitation

réhabilitation

Le centre de réhabilitation se trouve dans un site entouré à l’est par des pics de montagnes enneigées et s’ouvre à l’ouest sur une grande cour bien fleurie et, plus loin, une plage borde un lac aux eaux bleu clair. Du Nord, une route part vers le parc, continue plus loin et tourne à gauche vers les montagnes. Mettant à profit cette position, la maison accueille chaque année plusieurs centaines de pensionnaires, issus de milieu aisé pour la plupart. Ceux-ci peuvent faire du ski en hiver, des randonnées au printemps, et du kayak ou de la plongée en été ou en automne.

Aujourd’hui, en cette journée de septembre très ensoleillée, la plupart des pensionnaires ont choisi de pic niquer dans le parc, d’autres encore s’amusent sur le lac. Marianne et Laure qui avaient passé toute l’après-midi dans le parc, en retourne en traînant les pas; depuis qu’elles se sont trouvé des points communs, elles se considèrent comme des jumelles que la nature avait faussement séparées en leur donnant des parents et des villes différentes. En effet, toutes les deux sont veuves, ayant perdu leurs conjoints dans des accidents de circulation et souffrant du même traumatisme. Les voilà qui entrent dans la cour si calme à cette heure du soir. Ils passent devant le home de pensionnaires, un immeuble ultra-moderne à deux étages. Marianne observe une colombe qui vole bas au-dessus d’elle, la suit des yeux jusqu’au moment où elle disparaît derrière le home. Mais voulant ramener son regard vers son amie, ses yeux tombent sur le balcon où elle aperçoit une forme humaine pendue à une corde.

- Oh ! Regarde là haut, Laure ! Un homme s’est pendu. Regarde ! Ooooh

- Yesu Maria ! Quel malheur! s’exclame Laure en croisant les mains sur sa poitrine.

Pendant que les deux dames restent tétanisées, la tête tournée vers le « pendu », les autres pensionnaires, qui viennent après elles, attirés par leurs cris, observent aussi avec étonnement le pendu. Une dame dans le groupe, qui s’agrandit petit à petit, se met à pleurer : « Je connais ce monsieur qui s’est pendu, c’est mon voisin de la cantine. Un homme très sympathique. Pourquoi vous avez fait ça ? » Un jeune homme rejoint le groupe avec une fille de son âge qu’il tient par la main. Voyant la scène, il lâche la main de cette dernière en criant : je vais avertir le concierge ! Et court en direction de l’entrée. Quelques minutes plus tard, le concierge arrive en courant avec un médecin de garde derrière lui, en manteau blanc, stéthoscope autour du cou.

Maintenant, il fait sombre. Le pendu se balance toujours tout doucement sur sa corde, au gré du vent soufflant de la montagne. « Oh ! c’est monsieur Derrignac », dit le médecin. Il reprend la course, suivi du concierge. Ils se ruent dans la cage d’escalier, suivis par tout le groupe, curieux de voir de près le mort. Le concierge s’adresse au médecin : « Je travaille depuis vingt-cinq ans dans cette maison ; c’est la première fois que je vois une chose pareille. Un suicide dans notre maison ! » Arrivé devant la porte du pendu, monsieur Paul (c’est le nom du concierge) qui avait déjà sa clé de réserve en main, passe devant le médecin, et l’introduit dans la serrure. La porte n’est pas fermée. Il la pousse violemment et se rue à l’intérieur. Juste en ce moment-là, il aperçoit monsieur Perrignac qui, dérangé par la violence exercée à sa porte se met debout, en colère et va au-devant du concierge.

- Que signifie tout ça ?

Au lieu de répondre à la question posée, Paul se retourne aussi vite que lui permettent ses cinquante-deux ans, et se bute sur le médecin qui est juste derrière lui. Les deux tombent, et les gens qui forment le premier rang du groupe s’en fuient, croyant avoir affaire à un revenant ! C’est la débandade.

Maintenant, monsieur Perrignac est sur le seuil, les deux mains sur la hanche :

- Qu’est-ce qu’il se passe ? Que me voulez-vous tous ?

- Mais vous vous êtes pendu, monsieur Perrignac ? dit le concierge.

- Moi pendu ?

- Oui, sur votre balcon.

Monsieur Perrignac traverse son salon et ouvre la porte menant vers le balcon. Il ne voit pas de mort.

- Je ne me vois pas sur le balcon, moi ! Où voyez-vous un homme pendu sur le balcon, vous ? Crie-t-il au concierge, venez me le montrer.

Alors Paul et le médecin de garde entrent dans l’appartement. Le groupe attend devant la porte.

- Montrez-moi le pendu sur mon balcon ! Il répète.

Le médecin s’approche de ce que tout le monde croyait être l’homme pendu et dit, gêné :

- C’est le scaphandre ! Mais pourquoi l’avez-vous suspendu à une corde sur le balcon ?

- J’ai fait de la plongée cet après-midi ; je l’ai laissé là pour sécher. C’est un crime de sécher un scaphandre sur un balcon ?


Lumbamba Kanyiki

 

 

11 septembre 2023

La souris-mère et son fils

souris

La forêt et la brousse souffraient à cette époque où se déroule cette histoire d’une forte sécheresse, et la disette décimait des familles entières. La souris-mère prit son petit et sortit à la recherche de la nourriture. Ils quittèrent la forêt et s’engagèrent dans une savane boisée dont l’herbe et les feuillages étaient brûlés par un soleil ardent. Ils poursuivirent leur chemin, traversèrent la brousse qui succédait à la savane boisée. Finalement, ils arrivèrent à l’entrée d’une ville que la mère connaissait bien. Elle dit à son fils: „ À partir de maintenant, tu ne devras pas te séparer de moi! Les gens de cette ville ne nous aiment pas; ils pensent que nous leur apportons des maladies, alors ils veulent nous exterminer.“ Ils entrèrent dans la ville, le petit trottinant toujours derrière sa mère. Ils fouillèrent dans des poubelles et trouvèrent une nourriture abondante et variée. Le soir venue, ils passèrent leur première nuit sous la clôture de la parcelle d’une très grande maison. Le petit, émerveillé par la beauté du lieu, demanda à sa mère pourquoi ils ne pouvaient pas y passer la nuit; en effet, ils n’étaient pas très grands et pouvaient même se cacher dans leur garage, sans y être remarqués. Sa mère reprit la parole et lui dit:

Je te redis, mon fils, que ces gens sont très méchants envers nous. S’ils t’attrapent, tu n’as aucune chance de te sauver. Voilà ce qui est arrivé à ton père, il y a quelques années après ta naissance. (Attention, les années des souris ne sont pas comme les tres!):

La sécheresse était aussi rude que celle-ci. Nous avions décidé, ton père et moi, de sortir pour chercher à manger. C’est à ce moment que nous avons découvert cette ville, et nous y sommes entrés, exactement comme aujourd’hui. Mais à l’époque, nous n’avions trouvé aucune graine, ni noix partout où nous passions. En continuant à chercher, nous sommes arrivés dans une salle. Oh! qu’elle était vaste! Il y avait des sacs partout et ça sentait très bon! Nous voulions aller tout de suite pour voir ce qu’ils contenaient, mais les voix des humains, qui causaient, nous ont obligés à nous cacher et donc à ramper sous de vieux meubles cassés pour ne pas nous faire voir. Et c’est là que le malheur est arrivé. Pendant que nous attendions le moment propice pour nous ruer sur les sacs, ton père aperçut une jolie noix de palme bien charnue qui brillait juste devant ses yeux, sous une vieille armoire. Il m'a dit:“Attends ici, je te l’apporte tout de suite comme avant-goût!“ Il a avancé sa tête, et au moment où il allait attraper la noix, PAK! Un truc s’est abattu sur son cou, il a eu quelques spasmes, puis s'est immobilisé pour de bon. J'étais paniquée. En me rapprochant, j’ai vu que ses yeux étaient grands ouverts, sortis de leurs orbites. Un filet de sang coulait de son museau. Il était mort sur le coup“ La souris-mère se tut après son récit, secouée par le flux des images effroyables qui remontaient à la conscience. Le silence permit aussi au fils de s'imprégner du récit et du conseil de sa mère.

Le jour suivant, la souris-mère et son fils se promenèrent dans la ville où ils rencontrèrent plusieurs de leurs congénères. La nourriture y étant abondante, ils se décidèrent à y rester pour le restant de leur vie. Des années s’écoulèrent ; la souris-mère mourut de vieillesse, laissant son fils dans sa communauté de souris.

Un jour, le fils sortit avec des amis comme à l'accoutumée, à recherche de la nourriture. Ils virent une belle maison dont la porte du garage était grandement ouverte. L’un dit aux autres, là nous aurons certainement de quoi nous mettre sous la dent, sans beaucoup de peine. Le fils, ayant déjà grandi, lui répondit qu’il ne pouvait pas les suivre, et il leur raconta le conseil de sa mère. Pour toute réponse, ils éclatèrent de rire. « Nous ne sommes plus au temps de nos mères ! Les souricières, nous les connaissons déjà ; il n’y a que les enfants qui tombent dedans. » lui répliquèrent-ils. Ils s’introduisirent furtivement, l’un après l’autre, dans une chambre très spacieuse, et virent beaucoup de rayons avec des sacs, des sachets, des boîtes, des cartons et des bouteilles. Le fils était derrière les autres, très prudent. Sous des étagères, des noix étaient éparpillées partout. Sans hésiter, les pauvres commencèrent à se régaler. Le fils, toujours en retrait, les observait. Une voix lui disait dans son for intérieur de ne pas participer à ce repas suspect. Il a suffi seulement de quelques minutes pour assister à une situation dramatique : ses amis se mirent à se tortiller sur le sol, portant leurs frêles membres supérieurs sur le ventre. La mort venue de l’intérieur fut brutale et instantanée , car les noix étaient empoisonnées. Le fils était le seul survivant.

Moralité: Enfants, écoutez les conseils des aînés et vous vous éviterez des ennuis!

Lumbamba Kanyiki

29 août 2023

L’agonie d’une abeille

abeille

 Que c’est triste d'assister à une vie qui s’en va! Je suis sur ma terrasse, entourée de plusieurs fleurs en pleine maturité, attirant les abeilles dont les travaux de butinage sont très intenses pendant cette saison. J’ai envie de me mettre à l’ombre quelque part et profiter d’une belle journée d’été. Je jette un coup d’œil dans les plantes afin de localiser les chantiers des abeilles en activité afin de les éviter. J’en découvre un avec des fleurs violettes en forme d’épis de mais. Les abeilles y sont nombreuses et travaillent en plein régime. Elles ne font même pas attention à moi qui les observe. Je prends ma chaise et choisis de m’installer un peu plus loin dans un coin sur la terrasse, en-dessous d’un arbre.

À environ deux mètres de moi, j’aperçois une abeille avançant sur ses pattes frêles vers moi. Mes sens sont en éveil. J’ai déjà été piqué plusieurs fois cet été par des insectes. J’en garde encore des cicatrices fraîches aux jambes, aux bras et voire sur le dos. La bête avance toujours. Au moment où je me demande pourquoi elle a choisi de marcher au lieu de voler, elle, la princesse des airs, qui a volé depuis qu’elle était toute petite, bat ses ailes, prend un peu d’altitude, puis retombe sans ménagement sur ses pattes. Elle reste immobile pendant quelques secondes, puis reprend la marche. Elle entre à l’ombre de l’arbre où je me trouve. Sentant peut-être ma présence, elle m’évite et vire vers ma gauche. Elle avance péniblement. Comme il fait frais sous l’arbre, je prends une feuille morte à côté de ma chaise. Je la soulève et la lance un peu plus au milieu de la terrasse où elle peut profiter des rayons de soleil et peut-être récupérer des forces. En retombant avec la feuille, elle s’immobilise un moment, étourdie.Vous savez, il est très difficile de voir dans les yeux des insectes ce qu’ils sentent réellement. Je me reproche de l’avoir lancée au lieu de la déposer doucement à terre avec la feuille morte. La voilà qui bouge ses membres, puis elle se retrouve, je ne sais comment, sur le dos.

Au-dessus de l’arbre en fleurs, aucune des abeilles ne se soucie de ses souffrances, toutes toujours occupées à butiner. Et d’ailleurs, que peuvent-elles faire qui puissent la sauver ? La vie qui nous a été prêtée est en train de s’en aller. À chacun son tour, dans l’anonymat comme sous assistance. Chez la bête comme chez l’homme.

Tout à coup, dans un dernier effort, l’agonisante se remet sur ses pattes. Elle a des mouvements hésitants, frémit, bouge d’avant en arrière, puis recommence à marcher en rond, dans le sens des aiguilles d’une montre. Une fois, deux fois, trois fois. Je me demande si elle ne s’est pas cassé une patte en tombant avec la feuille. Non. Elle change bientôt de direction. Elle tourne maintenant de droite à gauche. Je pense qu’elle a des vertiges. Sa marche est de plus en plus lente. Elle s’immobilise de nouveau. Au bout d’un moment qui lui semble une éternité, elle reprend péniblement sa marche, entrecoupée par des pauses de plus en plus longues, mais pour aller où? Elle se traîne encore à une cinquantaine de centimètres, puis s’arrête, épuisée. Enfin, elle se renverse dans un dernier effort, en cherchant à avancer.

La voilà, de nouveau sur le dos. Les pattes battent rapidement l’air pendant quelques secondes, puis plus rien. Inerte à terre, elle a troqué sa jolie robe d’anneaux brillants noirs et or contre le voile sombre de la mort. J’attends qu’elle reprenne sa lutte ou que quelque miracle arrive.

 

Lumbamba Kanyiki

6 août 2023

Réflexions sur la prestation de Gims dans la nuit de la francophonie

gims

Plusieurs réflexions ont traversé ma tête pendant que je voyais hier la foule en liesse, assistant à la prestation de l'artiste Gims, pendant la nuit de la francophonie. Une foule multinationale, multiraciale, multiculturelle, une foule issue des religions confondues. C'est cela aussi la francophonie! Une veritable communion de coeurs et d'esprit. Mais au-delà de cette observation, c'est un regard plein de satisfaction de voir ce garcon issu de la diaspora rendre à son pays ce que son père avait recu de lui (de son pays bien sûr!). J'ai pensé à tous ces jeunes gens emmenés par leurs parents en Europe, eux qui n'ont pas choisi de vivre dans la diaspora, mais qui subissent au quotidien des injustices et des discriminations injustifiées à travers le monde. Les portes du marché d'emplois leur étant fermées, ils ont creusé dans leur imagination et dans leur créativité comme dans un roc pour exploiter les talents cachés en eux. Ils sont musiciens, sportifs, artistes de tout bord, écrivains, etc. Oui, j'ai vu hier sur scène l'enfant de Dianana, et je me suis dit: Le Seigneur Eternel nous a créés, chacun avec ses talents en lui. Les humains ne peuvent nous empêcher de les exploiter. Il faut seulement un moment de calme et une bonne introspection pour les découvrir et les exploiter. Les Francais ont depuis longtemps fermé la porte du savoir à nos enfants, et les a condamnés à vivre dans des banlieues, sans espoir d'un avenir meilleur, mais grâce à une volonté de fer et à beaucoup d'abnégation, il y en a aussi qui s'en sortent, comme Gims. Une porte vous est fermée; il faut en ouvrir une autre. La fatalité n'existe pas.
C'est ici l'occasion de rendre hommage à celles et ceux qui ont choisi de se battre pour leur survie. Là où les autres font un pas pour obtenir quelque chose, ils en déploient cent pour le même résultat. Oui, ils ont accepté ce combat et ne devraient pas s'en plaindre! Bravo Gims!
Lumbamba Kanyiki
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