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Kasai Direct
3 février 2013

Kabila, un président affaibli

Le chef de l’Etat congolais est faible car mal élu. Mais il est aussi
un président "lié" à divers groupes de pression. Cela entrave la bonne
marche de l’Etat et rend difficile tout remaniement du gouvernement.
Entretien avec le professeur Jean Omasombo.
Contraintes
Joseph Kabila n’est pas seulement un président faible parce que mal
élu, il est aussi prisonnier de réseaux parce que, pour obtenir des
voix, il s’est lié à plusieurs groupes de pression." Quatorze mois
après les élections frauduleuses de novembre 2011 - "non crédibles",
selon les observateurs nationaux et internationaux -, le politologue
Jean Omasombo, professeur à l’université de Kinshasa et chercheur au
Musée de Tervueren (section Histoire du temps présent), analyse la
mise en place des institutions après ces scrutins.

Et tout d’abord le gouvernement Matata, aux affaires depuis le 28
avril 2012, dont sept des trente-six membres sont katangais alors qu’"
aucune autre province n’a plus de quatre ministres nationaux".

Ils ont demandé pardon pour lui

Le professeur en voit l’origine dans un congrès de Buluba-i-Bukata
("les Lubas sont nombreux"), association tribale des Lubas du Katanga,
dont était issu Laurent Kabila, père et prédécesseur de l’actuel
président. Un congrès tenu par quelque 5 000 délégués à Kamina, du 31
janvier au 2 février 2011, et "financé à hauteur de 3 millions de
dollars par la présidence, chacun des délégués recevant 500 dollars",
explique Jean Omasombo. Selon lui, la commission socio-économique du
congrès " a relayé les griefs des Lubas envers le chef de l’Etat,
considéré comme un mauvais fils parce que le Nord-Katanga" , dont sont
originaires les Lubas du Katanga, "n’a rien reçu " de sa présidence.
Tandis que la commission politico-stratégique, présidée par Jean Mbuyu
(qui fut conseiller spécial du chef de l’Etat pour la Sécurité),
"devant laquelle des partisans de Joseph Kabila ont demandé pardon
pour lui, a établi des plans pour le faire réélire" , explique le
chercheur.

Le document diffusé par cette seconde commission note que, " la CENI
(NdlR : Commission électorale nationale indépendante, impliquée dans
les fraudes électorales à grande échelle de 2011 ; dirigée par le
pasteur Daniel Ngoy Mulunda, parent de Joseph Kabila et Luba du
Katanga) n’étant pas sous la totale supervision de notre camp, il
faudra que la Balubakat (soit les Lubas du Katanga) se dote d’une
structure parallèle de maîtrise du processus" électoral. Cette seconde
commission juge aussi "nécessaire de susciter la mise en place de
réseaux d’observateurs protestants, islamiques et/ou œcuméniques pour
contrebalancer l’influence du réseau catholique (Renadoc) ".

Le document final du congrès lubakat réitérait son soutien
"inconditionnel" à Joseph Kabila, "unique candidat du peuple luba",
qui lui assurera "une victoire éclatante" et dont la devise est
"Joseph Kabila Kabangre ou rien !".

Récompensés par des postes

Les résultats officiels des élections en zone luba au Katanga
atteignirent "les 100 %", rappelle Jean Omasombo. Soulignant qu’en
politique "les résultats priment sur le contenu", le chercheur y voit
la raison pour laquelle les Lubakats sont récompensés au-delà de leur
poids électoral au sein du gouvernement : quatre des sept ministères
"katangais" leur reviennent, et pas des moindres - le poste de
vice-Premier ministre et la Défense, attribués à Alexandre Lubal Lamu
; les Mines à Martin Kabwelulu; l’Emploi à Félix Kabange Numbi et,
pour Baudouin Banza Mukalay, la Jeunesse, Sports et Loisirs, Culture
et Arts. Pour ne pas créer de tensions intra-katangaises, des postes
sont attribués aussi à des originaires de la province issus d’autres
ethnies, souligne le professeur : l’Intérieur à Richard Muyej, la
Justice à Wivine Mumba, les Travaux publics à Fridolin Kasweshi.

" Après le Katanga, c’est au Maniema (86,7 %) et au Bandundu (82,2 %)
que Kabila a le plus de votes enregistrés" officiellement, poursuit M.
Omasombo. "Ces deux provinces sont également récompensées". Ainsi, le
Premier ministre, Mapon Matata Ponyo, est du Maniema, de l’ethnie
bangubangu de la mère de Joseph Kabila. Les Transports et
Communications vont à un autre ressortissant de la province, ainsi que
le poste de vice-ministre des Finances.

La présidence de l’Assemblée nationale revient, quant à elle, au
Bandundu, en la personne d’Aubin Minanu, qui avait "co-initié, avec
Christophe Lutundula, le processus de révision de la Constitution en
vue de voir le scrutin présidentiel se dérouler en un seul tour",
rappelle le professeur. Il a en outre l’avantage de ne pas être de
l’ethnie Pende des deux Premiers ministres de la législature
précédente, MM. Gizenga et Muzito, du parti Palu - " un allié devenu
encombrant" pour le chef de l’Etat. Lorsqu’il avait été question de
faire partir Adolphe Muzito, dont la corruption et l’incompétence
étaient dénoncées de toutes parts, le Palu n’avait pas hésité à
attaquer l’Assemblée nationale, dont le portail avait été détruit.

"Cette fois, Joseph Kabila a voulu limiter cette alliance encombrante
et n’a plus de convention entre son parti, le PPRD, et le Palu. Et
lorsqu’il a choisi des gens de ce parti, ce ne sont pas des Pendes et
ils n’ont pas été choisis par leur parti, comme sous la précédente
législature" , note Jean Omasombo.

Remaniement du gouvernement non accepté

" Dans l’espoir de limiter au maximum les entraves à sa liberté,
Joseph Kabila a évité de prendre au gouvernement des chefs de partis -
à part trois exceptions, à la tête de petits partis. Cela a d’ailleurs
mécontenté le PPRD. Le résultat, c’est que la grande majorité des
ministres sont des inconnus ou des quasi-inconnus de la population
congolaise ", explique le chercheur.

" Dans la pratique, cependant, Kabila est un président faible, parce
que mal élu, et un président lié. Voilà des mois que le gouvernement
devrait être remanié ", notamment parce que le ministre de la Défense,
pharmacien de formation, n’est pas à la hauteur de la tâche avec une
reprise des combats au Kivu. "Mais rien ne se fait parce que
Buluba-i-Bukata ne veut pas en entendre parler : ce ministre est le
fils du chef coutumier de Manono", la région d’origine de Laurent
Kabila.
(lu dans la libre belgique)
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