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6 décembre 2014

Francophonie, souveraineté nationale et ‘’nouvelle géographie’’

    

« Ils nous dominent plus par l’ignorance que par la force » S. BOLIVAR
 
Il aurait été souhaitable que les applaudisseurs de François Hollande à la rencontre francophone de Dakar lisent ‘’le rapport Attali’’. Dans un texte de plus de quatre-vingt pages, Jacques Attali, sur la demande de François Hollande,  a mené une étude sur les opportunités que la francophonie pourrait offrir à l’économie française. Ce faisant, il achève sous le gouvernement Hollande une mission qui lui avait déjà été confiée par le ministre de l’Economie et des Finances sous Sarkozy en énonçant les traits caractéristiques de  ‘’la nouvelle géographie’’, ‘’les nouveaux critères d’appartenance identitaire’’.
 
 
Il est devenu presqu’instinctif chez plusieurs politiciens africains et congolais d’être des relais automatiques des discours tenus par les présidents de certains pays de ‘’la communauté occidentale’’ sans en questionner les tenants et les aboutissants et dans l’ignorance totale (par action ou par omission) de l’histoire.  Ces politiciens ont répercuté et avalisé les propos de François Hollande sur le respect des mandats constitutionnels à la dernière rencontre de la Francophonie à Dakar  sans se poser une seule fois  des questions sur la finalité de ce forum pour le devenir collectif africain.  Auraient-ils pu s’abstenir s’ils avaient lu ‘’le rapport Attali’’ en se rendant compte que la Francophonie est conçu comme un instrument de ‘’la croissance économique française’’ ?
En effet, dans la lettre de mission datée du 17 avril 2014 et adressée à Jacques Attali par François Hollande, ce dernier note ceci : « Je suis convaincu que la Francophonie constitue une opportunité majeure pour l’économie française et ses entreprises. Le moment est venu de bâtir un véritable partenariat économique entre les pays francophones. »  Cette lettre indique que  Jacques Attali poursuit la mission qui lui avait été confiée par le ministre de l’Economie et des Finances du précédent gouvernement (Sarkozy).
Quelle en est la finalité ?  Jacques Attali doit proposer ‘’des actions concrètes au service d’une stratégie francophone économique’’. Il s’exécute en formulant, dans un texte de plus de 80 pages, 50 propositions à mettre en pratique.  C’est de bonne guerre, pourrait-on dire ! Il serait naïf de croire que l’espace francophone a été créé pour les beaux yeux des partenaires de la France ayant en partage la langue française.Mais là où le bât blesse, c’est quand, lisant les premières phrases de la synthèse du ‘’rapport Attali’’, nous nous rendons compte que la francophonie pourrait participer du mouvement global de détricotage des souverainetés nationales. Voici ce qui est écrit : « Le potentiel  économique de la francophonie est énorme et insuffisamment exploité par la France. L’effacement progressif des frontières nationales impose d’autres critères d’appartenance identitaire : la langue et la culture constituent la nouvelle géographie. »  (Conséquemment, le français et la culture française doivent devenir ‘’les véhicules’’ de cette  ‘’nouvelle géographie’’. Elles devront être enseignées dans les pays francophones de la maternelle à l’université.) Or, cette ‘’nouvelle géographie’’ est dictée par le marché global autorégulé.
Donc, la francophonie est une des stratégies auxquelles recourent les partisans du marché global pour détricoter les souverainetés nationales.  La démocratie et les droits de l’homme en sont exclus. (En tout cas, à moins d’une méprise de notre pays, la lecture de ce rapport nous révèle que  Jacques Attali n’y fait pas explicitement allusion.) Dans ce contexte, le discours  tenu par François Hollande sur le respect des mandats constitutionnels ne devrait pas être destiné aux ‘’démocrates africains’’, mais aux partisans de la concurrence libre et non-faussé du marché africain. ‘’Les démocrates africains’’ sont avertis. Leur lutte pour une Afrique souveraine constituée des pays respectueux de leur souveraineté nationale risque d’être compromise et cela pour longtemps.
La francophonie comme stratégie économique de ‘’la nouvelle géographie’’ pourrait appuyer ‘’la guerre perpétuelle’’ menée par le 1% des oligarques du marché contre l’avènement d’un monde multiculturel  et pluripolaire comme lieu du devenir collectif de l’humain dialoguant au  profit de l’hégémonie culturelle occidentale.
Il y a, en effet, une ‘’guerre perpétuelle’’ menée contre la souveraineté des nations. L’UE à laquelle appartient la France de François Hollande en est de plus en plus une illustration. Le plan Marshall qui l’a façonnée depuis la fin de la deuxième guerre mondiale y a beaucoup contribué. Le Traité de Partenariat Transatlantique  pourrait parachever cette œuvre entreprise il y a plus de cinq décennies. La guerre menée contre ‘’le terrorisme’’ en Afrique et l’implantation de l’Africom dans certains pays africains seraient des signes avant-coureurs de la lente et sûre transformation de ce continent-mère en un simple marché autorégulé.
Les applaudisseurs des ‘’maîtres de la francophonie’’ devraient apprendre à suffisamment se méfier des discours officiels.  Pour rappel, l’homme à qui les gouvernements sarkozy et hollande ont demandé un rapport sur la francophonie est l’un des rares français à avoir dit : « L’Afrique est notre avenir. »  C’est-à-dire que pour Jacques Attali et les siens, ‘’l’Afrique est l’avenir de la France’’ (d’en haut) !  Si les Africains, dans leur immense majorité, se contentent d’applaudir ‘’les maîtres de la francophonie’’ sans se réapproprier l’initiative historique de leur continent dans la grande ouverture aux autres (tout en restant eux-mêmes), ils n’auront pas grand-chose à transmettre aux générations  futures.
L’usage par les Africains du français comme langue de communication et d’échange ne devrait pas servir de prétexte aux partisans de l’hégémonie culturelle occidentale pour les déposséder de leurs cultures et traditions multiséculaires. Même si, en dernière analyse, c’est aux Africains (avertis ?) qu’il appartient de lutter contre toute forme d’aliénation, de colonisation et/ou de re-colonisation mentale. Il leur appartient de créer des lieux de lutte contre ‘’le viol de l’imaginaire’’ et travailler à l’avènement d’un imaginaire africain alternatif démonétisant la matrice organisationnelle néolibérale de la francophonie. La lutte est âpre.
 
Mbelu Babanya Kabudi
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