Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Kasai Direct
8 avril 2014

RDC - Patricia Diomi : "Pour Kabila, mon mari est la bête noire à abattre"

Patricia Diomi, l'épouse de l'opposant congolais Diomi Ndongala. Patricia Diomi, l'épouse de l'opposant congolais Diomi Ndongala. © Trésor Kibangula

Après la condamnation, le 26 mars, de l'opposant congolais Diomi Ndongala à dix ans de prison, son épouse Patricia s'est confiée à "Jeune Afrique". Elle dénonce notamment la répression qui frappe, selon elle, les politiciens ne-kongo qui seraient "majoritairement hostiles à Joseph Kabila". Interview.

C'est une femme déterminée qui nous reçoit fin mars dans le Centre Cana (hôtel et restaurant gastronomique), à quelques pas du grand boulevard du 30 juin à Kinshasa. C'est ici que l'Italienne Patricia Diomi continue à gérer les "activités de [son] mari" après la condamnation de ce dernier à dix ans de prison pour "viol et tentative de viol sur mineures".

Si les autorités congolaises nient toute implication dans les déboires judiciaires de l'opposant Eugène Diomi Ndongala, son épouse, Patricia, elle, n'y croit pas un mot. Pour cette native de Rome qui partage la vie du président de la Démocratie chrétienne (DC, parti d'opposition) depuis vingt ans, l'arrestation et la condamnation de son mari découle d'un plan mis en place par le pouvoir de Kinshasa pour neutraliser les opposants ne-kongo (ethnie dont fait partie son époux), originaires notamment du Bas-Congo et jugés, selon elle, "très hostiles au pouvoir de Joseph Kabila".

Jeune Afrique : La Cour suprême de justice a reconnu Eugène Diomi Ndongala coupable de "viol et de tentative de viol" sur deux mineures et l'a condamné le 26 mars à dix ans de prison. Quel est aujourd'hui son état d'esprit ?

Patricia Diomi : Mon mari est serein. Lorsqu'on a déjà fait l'expérience difficile de la vie d'opposant dans ce pays, avec tout ce que cela comporte, on devient psychologiquement armé pour ne pas se faire abattre. Là où il est détenu, il reste donc déterminé à poursuivre son combat. Et, contrairement à ceux qui pensent qu'il serait désormais dans le "congélateur de la république", Eugène Diomi trouvera les moyens de continuer à communiquer avec l'extérieur et à dire toujours tout haut ce que les autres n'ont pas le courage de dire.

En attendant, vous continuez à soutenir que Diomi Ndongala est victime d'une machination politique. Son parti n'a pourtant obtenu qu'un siège lors de dernières législatives. En quoi serait-il une menace pour le pouvoir en place ?

Diomi Ndongala fait peur au pouvoir en place parce qu'il est capable de mobiliser des foules.

En RDC, le poids politique et sociologique des personnes ne peut pas être établi en fonction du poids électoral. Et ce, d'autant plus que le pays n'a jamais connu d'élections qui puissent être considérées comme valables et représentatives de la volonté du peuple. En 2006, la Démocratie chrétienne (DC) était le parti qui avait présenté le plus de candidats députés à tous les niveaux, bien devant le PPRD [Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie, principale formation politique de la majorité, NDRL]. Mais à l'arrivée, nous avons vu ce qui s'est passé : des fraudes, des retards dans la publication des résultats, des cafouillages. Pis, en 2011, on est carrément passé de l'élection à la nomination des députés.

En réalité, Diomi Ndongala fait peur au pouvoir en place. Non seulement parce qu'il est très hostile à Kabila, mais aussi parce qu'il est capable de mobiliser des foules à Kinshasa et dans toute la partie ouest du pays. On l'a vu en 2011 lorsqu'il a apporté son soutien à Étienne Tshisekedi lors de la présidentielle, faisant perdre au président sortant l'électorat important ne-kongo à Kinshasa et au Bas-Congo. Élu député, il a refusé de siéger à l'hémicycle et a constitué une plateforme avec 60 partis politiques pour réclamer la vérité des urnes. Depuis, mon mari est devenu la bête noire à abattre pour le régime de Kabila, qui mène une traque contre les opposants ne-kongo jugés très hostiles à son pouvoir. Il y a eu l'arrestation du pasteur Ferdinand Kutino, ne-kongo, qui croupit encore en prison, le massacre de Bundu dia Kongo [mouvement politico-religieux au Bas-Congo, NDLR], et aujourd'hui trois députés ne-kongo sont dans la collimateur de la justice qui demande la levée de leur immunité...

Mais certains détracteurs de Diomi Ndongala l'accusent également d'avoir un discours radical qui va jusqu'à remettre en cause la nationalité congolaise du président Joseph Kabila…

Si vous faites allusion à la chanson "Ya Tshitshi, songisa ye na Rwanda" ["Ya Tshitshi", entendez Tshisekedi, expulsez-le (Kabila) vers le Rwanda], il faut préciser tout de suite qu'il n'en est pas l'auteur. Il y a cependant un problème dans ce pays. Et il suffit de regarder la composition des haut-gradés de l'armée, ou ce qui se passe dans les services de sécurité, voire dans le noyau le plus important de l'économie nationale pour se rendre compte qu'il y a un processus qui est en cours. Un processus qui est en train de créer la guerre avec les Katangais.

C'est à dire ?

Le problème de Kabila, ce n'est pas son origine. C'est son leadership qui pose problème.

Il y a aujourd'hui une prédominance des Rwandophones dans des centres de pouvoir stratégiques. Il ne faut pas se voiler la face et considérer ce processus comme un sujet tabou. Il y a des éléments concrets : avec tous les programmes d'intégration des ex-combattants rebelles du RCD, du CNDP et aujourd'hui du M23, toutes les fonctions élevées dans l'armée par exemple sont ou vont être occupées par des personnages issus de ces rébellions. Et cela ne date pas d'aujourd'hui. En 1997 déjà, le pays s'était retrouvé avec un chef d'état-major [James Kabarebe, actuel ministre rwandais de la Défense] qui est rentré précipitamment au Rwanda pour occuper les mêmes fonctions. On ne peut pas effacer des réalités historiques. Diomi les dénonçait et cela dérangeait.

Mais, le problème de Kabila, ce n'est pas son origine. C'est son leadership qui pose problème. Son comportement ne cadre pas avec la sauvegarde des intérêts de la RDC. Depuis 13 ans qu'il est au pouvoir, le Congo n'avance pas sur tous les plans. Dans plusieurs classements - indice de développement humain, produit intérieur brut… - le pays occupe toujours les dernières places, alors qu'il a des potentialités immenses. 

Condamné pour viol, infraction de droit commun, Diomi Ndongala n'est concerné ni par la grâce présidentielle ni par la loi d'amnistie récemment promulguée…

La libération des détenus politiques, Diomi Ndongala compris, était une de principales recommandations expresses des concertations nationales tenues à Kinshasa. Mais lorsque la loi d'amnistie a été votée pour régler le sort des rebelles du M23, on a tout oublié. Même le gouvernement de "cohésion nationale" annoncé se fait toujours attendre. C'est un problème du respect de la parole donnée de la part de Joseph Kabila.

_____________

Propos recueillis à Kinshasa par Trésor Kibangula

Publicité
Commentaires
Kasai Direct
Publicité

Enigme du kasai 30

A lire absolument

publicité 14

Présentation du livre Les contes du Congo

 

A lire
Derniers commentaires
Archives
Publicité