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30 octobre 2013

Consolider les succès militaires dans une stratégie de guerre totale pour enterrer définitivement la foire à Kampala

Par Jean-Jacques Wondo

Images FARDC

Depuis mai 2013, les FARDC, appuyées par la brigade internationale de la Monusco, font preuve d’une grande performance  dans leurs affrontements contre le M23 qui méritent d’être salués.

Après plusieurs rounds infructueux des négociations vouées à l’échec à Kampala, avec la médiation d’un pays jugé à la fois comme juge et acteur du conflit, l’on se rend compte que seule l’option militaire, réclamée dans nos dernières analyses en convergence avec le point de vue avancé par d’autres acteurs du terrain directement touché par cette guerre : le Gouverneur Julien Paluku ou les activistes de la société civile : Thomas’D’Aquin Mwiti et maître Omar Kavota, était la seule option à privilégier pour conclure de la manière la plus satisfaisante le macabre épisode du M23. http://desc-wondo.org/julien-paluku-la-solution-a-la-crise-securitaire-au-nord-kivu-est-essentiellement-militaire/ ; http://radiookapi.net/emissions-2/dialogue-entre-congolais/2013/09/30/ce-soir-la-societe-civile-du-nord-kivu-soppose-lintegration-des-elements-du-m23-au-sein-des-fardc/

Certes, les récents succès militaires des troupes loyalistes congolaises ne doivent pas nous faire perdre de vue que le plus important est de consolider ces acquis sur les plans politiques et militaires.

Comme je l’écrivais également dans une précédente analyse : « Dans une guerre, on ne peut désigner le vainqueur qu’en considérant les fins, positives ou négatives, de la guerre ou de la campagne militaire. La méconnaissance de cette règle peut mener à des succès militaires sur le plan tactique mais qui peuvent être en même temps des échecs stratégiques. La défaite de l’un des camps en présence est consommée lorsqu’il ne peut plus raisonnablement espérer de la continuation de la lutte un redressement politico-militaire qui lui permettrait d’obtenir de meilleures conditions de cessation des hostilités. »

Le but fondamental de la stratégie (politique et militaire) est la défaite (ou la soumission totale) de l’ennemi. Cette proposition, qui n’est en elle-même guère discutée, pose un problème de délimitation. Quand peut-on dire que la victoire est acquise, que l’ennemi est défait ? Quand il se reconnait vaincu. Sans doute mais on ne fait que reporter le problème car les succès militaires intermédiaires ne signifient pas nécessairement une victoire finale. C’est ici que l’expression « perdre une bataille mais pas une guerre » prend parfois tout son sens.

Il n’y pas de facteur unique de la victoire ou de la défaite : un belligérant peut perdre une immense étendue de territoire tout en parvenant à replier ses forces en bon ordre ; c’est le cas de la défensive allemande de l’Est de 1943 à 1945 : les forces allemandes ont conservé leur cohésion et leur capacité combattante jusqu’à la bataille finale de Berlin.

Les stratégistes se focalisent moins sur l’éclat des batailles que sur leurs suites et impacts (politiques, diplomatiques, sociaux, économiques…) à long terme. D’autant qu’en stratégie, l’option militaire, quoique déterminante, ne suffit pas à elle seule pour déterminer la réalisation finale des objectifs poursuivis dans une guerre. Celle de prolonger la politique par d’autres moyens en contraignant l’adversaire à la soumission. L’épreuve de vérité n’est pas une bataille gagnée, aussi brillante soit-elle, mais la mise hors combat durable de l’ennemi, soit par la destruction de ses forces, soit par la maîtrise d’un espace de sécurité politiquement, économiquement et militairement suffisant. Ou encore par les dividendes diplomatiques de la défaite militaire engendrés à la suite d’une bataille militaire. http://desc-wondo.org/victoire-militaire-tactique-mais-echec-strategique-le-cas-du-m23-et-du-rwanda/

Et là, nous sommes au cœur de la théorie de la guerre, modélisée par le Général et théoricien prussien Carl von Clausewitz (1780-1831) dans son célèbre livre « Vom Kriege » (De la guerre).

Ainsi pour ce célèbre stratégiste, analyste pragmatique du phénomène «  guerre » sous sa forme de « duel », la guerre est et doit demeurer l’instrument politique.

La guerre pour Clausewitz reste un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté ; son dessein immédiat est d’abattre l’adversaire afin de le rendre incapable de toute résistance, voire de toute manœuvre politique ou diplomatique ultérieure.

Ainsi, dans sa conception politique de la guerre, Clausewitz avance que tant que je n’ai pas complètement abattu ou annihilé la capacité de nuisance de l’adversaire, je peux craindre qu’il m’abatte à tout moment. Je ne reste pas encore complètement mon propre maître, car il peut encore me dicter sa loi comme je lui dicte la mienne.

Cette mise en garde vaut son pesant d’or lorsque l’on analyse l’évolution des différents conflits qui ont eu cours à l’est de la RDC depuis 1998 où l’on a vu des retournements des situations surréalistes au moment où les populations jubilaient à une victoire finale. Cela doit amener à une vigilance tous azimuts pour que cette fois-ci, aucune fausse note ne provienne des instances supérieures (politiques et militaires) de l’armée qui tenteraient d’ordonner aux troupes la cessation des hostilités ou le retrait des zones reconquises alors que l’ennemi M23 n’est pas encore totalement défait.

C’est ici que doit intervenir une seconde étape de consolidation de la victoire acquise et de la poursuite des hostilités jusqu’à ce que le M23 se conjugue au passé. Cette étape consiste à ne pas considérer la reprise de Rutshuru, Kiwanja, Rumangabo comme une fin en soi mais des étapes dans une victoire finale (militaire, politique et diplomatique). Cela n’est possible que dans une configuration de considérer la guerre imposée au Congo depuis 1996 comme étant une guerre totale.

Cette notion, conceptualisée et appliquée par le Général stratège et homme politique allemand Erich Ludendorff (1865-1937) veut que la guerre dite totale ne soit pas uniquement une affaire de la seule armée mais concerne également les populations. Dans sa conception de la notion de guerre totale, Ludendorff avance que la guerre totale ne peut être menée que si l’existence ou la survie du peuple (d’une nation) entier est menacée et s’il est décidé d’en assumer la charge. « Le caractère de la guerre totale exige toute la force d’un peuple dès qu’elle dresse contre lui ».

Suivant cette évolution et sous l’influence des faits immuables, le cercle des devoirs de la politique aurait dû s’élargir et transformer la politique elle même. Celle-ci doit, comme la guerre, avoir un caractère total. Pour obtenir le maximum de puissance d’un peuple dans une guerre totale, la politique doit s’identifier au principe conservateur de la vie d’un peuple, fait à sa mesure. La politique doit identifier les besoins et les aspirations du peuple dans tous les domaines.

En bref, la guerre totale, selon Ludendorff, doit amener à la mobilisation totale de toute la société au service de la guerre, lorsque l’armée et le peuple, le militaire et le politique doivent fusionner dans une « cohésion animique » qui seule permettra la victoire finale sur l’ennemi. Une victoire qui n’est pas encore totalement acquise. Cela exige, au-delà de l’euphorie triomphaliste actuelle, de demeurer vigilante, dans une cohésion animique « Armée-Nation » de telle sorte qu’aucune parcelle du terrain repris aux agresseurs à la solde du Rwanda et de l’Ouganda ne puisse encore leur être restitué sous quelques motifs que ce soit, notamment au motif du respect des engagements de cessez-le-feu pris en vue des négociations de Kampala.

Car constatons-le, Kampala s’arrête là où l’option militaire commence et permet à la RD Congo des avancées qui lui étaient impossibles il y a un an. D’autant qu’avec une rébellion, il faut la mâter sinon elle vous écrase. Et on l’a expérimenté chaque fois que des directives émanaient de Kinshasa pour ordonner des replis ou des trêves injustifiés au moment où les FARDC avaient le dessus sur le M23, cette dernière force négative, déjà affaiblie pour des raisons expliqués autrefois, se reconstituait et recommençait le hostilités car elle n’a d’autre alternative que la rhétorique belliciste :

(http://www.lepotentielonline.com/110-online-depeches/7034-le-m23-n-a-d-autre-recours-que-la-strategie-belliciste). Ce au point que le M23 s’est permis à au moins deux reprises d’attaquer les hélicoptères de  la Monusco.

Le reste du volet diplomatique (ou politique) à venir, certainement plus à Kampala, ne consistera que pour le M23 et ses parrains, à signer l’acte de leur reddition militaire et de leur disparition politique. Mais avant cela, il faut d’abord que les troupes FARDC et la brigade d’intervention reprennent au M23 la zone de Bunagana  et tous les territoires encore sous son contrôle, en y consolidant leurs positions. En effet, Kamapala étant à la fois juge et partie de la crise à l’est du Congo qui reste une crise régionale et non congolaise, contrairement à ce que Kampala voudrait la présenter. C’est au niveau de l’accord-cadre d’Addis-Abeba qu’il faut désormais poursuivre le processus de pacification régionale. D’autant que l’accord-cadre prône une approche régionale, globale et systémique de la résolution de la crise des Grands-Lacs qui invite également le Rwanda et l’Ouganda à fournir des efforts de leur côté en promouvant également des actions politiques internes avec leurs rébellions respectives préconisées par le président Kikwete. C’est d’ailleurs ce que j’ai avancé à l’émission du 29 octobre 2013 sur Radio Okapi (http://radiookapi.net/emissions-2/dialogue-entre-congolais/2013/10/29/ce-soir-le-territoire-de-rutshuru-declare-zone-sinistree/).

Rutshuru, Kiwanja, Rumangabo… ce sont des batailles gagnées qui doivent être applaudies, mais il faut que les populations accompagnent les FARDC à la victoire totale en mettant entre autres la pression sur les autorités comme elles l’ont fait depuis qu’elles se sont rendu compte des coups-fourrés des ordres de repli injustifiés qui ont amené à la chute de Goma.

Jean-Jacques Wondo

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