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18 août 2013

Reynders défend les intérêts du Congo mais aussi ceux de la Belgique

Par Colette Braeckman

Les banderoles déployées dans les rues de Matadi annonçaient clairement la couleur : « Merci à la Belgique pour la défense des intérêts du Congo » C’est en ami que Didier Reynders a été accueilli dans le Bas Congo comme à Kinshasa, à l’occasion de sa quatrième visite en RDC et avant que le chef de la diplomatie belge ne s’envole pour Lubumbashi puis Nairobi, le président Kabila, qui s’était tenu informé de tous les détails du voyage et des propos tenus en cours de route, a tenu à le recevoir durant une heure et demie.

C’est que Reynders, avec constance, insiste sur les points qui lui tiennent à cœur, dont la nécessité des réformes, entre autres sur le plan économique. Une fois de plus il a écouté avec beaucoup d’attention les doléances et les souhaits des opérateurs économiques qui se plaignent toujours des risques d’arbitraire et de l’insécurité sur le plan foncier (les cas d’expropriations se multiplient). Mais Reynders a aussi constaté les progrès, dus essentiellement à l’action du Premier Ministre Matata Mponyo, qui a créé un « point de contact » destiné à accueillir les suggestions et les revendications des hommes d’affaires. En effet nombre d’entre eux se plaignent régulièrement de la multiplication des taxes en tous genres, de l’arbitraire et des risques d’expropriation.

Plaidant pour des dossiers économiques (les intérêts du port d’Anvers à Matadi, des joint ventures à Inga, des projets de dragage du fleuve) le ministre n’a cependant pas oublié les droits de l’homme. Au cours de son entretien en tête à tête avec Kabila, il a évoqué, entre autres sujet sensibles, la situation d’Eric Kikunda, ce ressortissant belge d’origine congolaise, arbitrairement détenu depuis quatre ans. La prochaine mise en place d’une commission nationale des droits de l’home devrait d’ailleurs permettre d’aborder de tels problèmes de manière plus institutionnelle. Dans le cas de Kikunda, l’hypothèse d’une expulsion vers la Belgique n’est pas exclue. Ce qui, soit dit en passant, ne règle pas le sort d’autres prisonniers politiques comme Firmin Yangambi, un ami de Kikunda, ancien défenseur des droits de l’homme à Kisangani, qui avait voulu se porter candidat à la présidence et a été condamné pour atteinte à la sûreté de l’Etat.

Reynders a aussi plongé dans l’actualité congolaise la plus immédiate : d’ici le 20 août doivent s’ouvrir les concertations nationales, pilotées par les présidents de l’Assemblée et du Sénat. Le président Sassou Nguesso (Congo Brazzaville) s’est présenté comme médiateur, mais le président Kabila, il l’a redit à Reynders, tient à privilégier une logique nationale.
D’aucuns rêvent déjà de transformer en deuxième conférence nationale souveraine cet exercice de dialogue entre le pouvoir et l’opposition, qui avait pour objectif premier de renforcer la cohésion nationale face à la guerre à l’Est. Les espoirs maximalistes de ceux qui espèrent une vaste redistribution des cartes politiques (et des postes) seront sans doute déçus : l’exercice devrait être terminé d’ici la rentrée parlementaire en septembre prochain.

L’accord d’Addis Abeba demandant au Congo d’opérer des réformes en termes de gouvernance sera sans doute respecté sur le plan formel, mais il est clair que les véritables échéances politiques se situent à plus long terme : avant que n’arrive à expiration le deuxième et en principe dernier mandat du président Kabila, le Congo doit, impérativement, organiser des élections locales et provinciales. Considérant qu’il s’agît là du socle de la pyramide démocratique, la Belgique y tient beaucoup, et… la population congolaise aussi. En outre, de telles élections devraient permettre, enfin, à la société civile d’émerger sur le plan politique.

L’ancienne CENI (Commission électorale indépendante) dirigée par le pasteur Mulunda ayant été désavouée, tant pour ses fraudes que pour ses dettes accumulées (80 millions de dollars…) c’est l’abbé Malu Malu qui a été rappelé aux affaires. Même s’il s’est rapproché des premiers cercles du pouvoir, l’inusable recteur de l’université de Butembo, l’un des meilleurs spécialistes en sciences politiques du Congo, a gardé la confiance des Belges qui lui ont promis expertise et financements. Cette semaine déjà, le politologue Bob Kabamba dirige un séminaire de formation afin de remettre à niveau la nouvelle équipe et de définir une « feuille de route ».

Le défi des élections locales s’annonce plus lourd encore que celui des élections présidentielles : il s’agira d’établir 8000 circonscriptions, de créer, avec l’aide de la Monusco, des lieux sécurisés où le matériel électoral pourra être stocké afin de prévenir des manœuvres de dernière minute, aussi coûteuses que suspectes. Reflétant le point de vue des plus hautes autorités, la détermination de l’abbé est claire : « plus que jamais, le Congo devra s’approprier cet exercice électoral, c’est une question de souveraineté… » Autrement dit, les soutiens extérieurs, dont celui, déjà acquis, de la Belgique seront bienvenus, mais le Congo tiendra à s’acquitter lui-même de l’essentiel des financements de l’exercice électoral. Ici encore s’exprime la volonté de souveraineté, rappelée au ministre par le chef de l’Etat. .

Si Reynders est perçu par les Congolais comme un « véritable ami », défendant au plus haut niveau les intérêts de leur pays, c’est moins pour son soutien à la démocratisation, aux réformes, à la diplomatie économique ou aux droits de l’homme, que pour sa position face à la guerre dans l’Est, qui demeure la préoccupation première de Kabila.

La « ligne rouge » face aux mutins

Non seulement le ministre ne cesse de rappeler l’obligation d’assurer la sécurité des civils et surtout celle des femmes menacées de violences sexuelles, mais il ne craint pas de tracer une « ligne rouge », estimant qu’à Kampala, où s’étirent les négociations entre les mutins du M23 et la partie congolaise, cette dernière est allée « aussi loin que possible ». Autrement dit, Reynders considère qu’avec des soldats et des officiers qui se sont déjà soulevés à plusieurs reprises, il ne faut plus envisager d’amnistie ou de réintégration sur place, sans conditions : «l’impunité doit avoir des limites, on ne peut effacer les crimes qui ont été commis. Il me semble que, du point de vue congolais, le maximum a été fait et que d’autres formules doivent désormais être envisagées. En outre, l’intégrité du territoire congolais doit être respectée. »
Une telle fermeté, que le ministre entend faire partager avec la communauté internationale et surtout avec la Monusco (« il faudra bien qu’elle se décide à mettre en œuvre son mandat renforcé et à entrer en action militairement… ») heurte de front la position défendue la semaine dernière encore à Nairobi par le président ougandais. Se lançant dans une violente diatribe, Museveni s’était exclamé « on ne touchera pas au M23, on ne l’éliminera pas comme ça… ». François Mwamba, qui dirige la délégation congolaise à Kampala, a cependant expliqué aux Belges que le Congo n’avait pas dit son dernier mot : « nous avons compris que nous ne pouvions être heureux seuls, profiter de nos richesses sans les partager. Et nous allons présenter de substantielles propositions à nos voisins… »
Parallèlement aux opérations militaires destinées à réduire la mutinerie dans le Nord Kivu, des offres de « compensation » économiques seraient elles adressées aux voisins, l’Ouganda et le Rwanda ?

Pour Reynders en tous cas la situation a changé depuis l’année dernière : « si le soutien extérieur, rwandais en l’occurrence, apporté au M23 est plus évident que jamais, confirmé par tous les observateurs, la pression internationale s’est faite plus forte et, en particulier, la position américaine, exprimée par le secrétaire d’Etat John Kerry, a changé. La fin du soutien rwandais aux rebelles est clairement exigée. »
Si le M23, qui met en cause l’autorité de l’Etat, devrait être la première cible d’opérations militaires, les autres groupes armés ne devraient pas être épargnés pour autant. Le président Kabila a d’ailleurs rappelé que la situation à Beni dans le « grand nord » du Kivu, demeurait également préoccupante.
Rencontrant le nouveau représentant spécial de l’ONU à Kinshasa, l’Allemand Martin Kobler, un « ancien » d’Afghanistan, Reynders a insisté pour que soient combattus et éradiqués tous les groupes armés qui commettent des exactions contre les civils et en particulier les combattants hutus FDLR qui sèment la terreur dans les forêts du Kivu et qui sont accusés par Kigali de collaborer avec l’armée congolaise

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