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Kasai Direct
27 juin 2013

Goma se prépare déjà au festival Amani, du rap pour la paix…

Par Colette Braeckman
Goma,

Un podium de deux mètres de haut. Des affiches multicolores, et surtout la musique. Du rap, du rock, de la techno. Les baffles tremblent, la batterie se déchaîne en solo. Sur la scène un grand garçon en pantalons baggy hurle « plutôt que me mettre en colère/pour narguer les dignitaires/qui sont aux affaires/je réclame mon salaire »…Bras écarté, main levée vers le ciel, un autre chanteur scande : « où va le Congo ? » et son voisin reprend « si tous cherchent la paix, on finira bien par la trouver. »
Fermez les yeux, laisser vous envahir par les paroles du rap de la colère et de l’espoir, laissez votre siège vibrer et vos mains battre la mesure comme malgré vous, et vous vous croirez à Couleur Café, à Esperanzah et peut-être, au stade des Martyrs à Kinshasa. Ouvrez les yeux, et vous verrez la poussière danser dans le soleil, les murets taillés dans la pierre de lave, les garçons du quartier qui s’approchent, timidement d’abord, puis décidés et ravis jusqu’à ce qu’en fin d’après midi ils aient du mal à quitter les lieux…Si vos oreilles vous emmènent vers des scènes prestigieuses, vos yeux ne vous trompent pas : vous êtes bien à Goma, un samedi après midi, dans la cour du centre culturel. Dans la capitale du Nord Kivu, cernée par les militaires et les groupes armés, traumatisée encore par le souvenir des échanges de tirs, c’est bien un festival de musique qui se prépare et qui portera un nom que tous murmurent avec nostalgie, « Amani », la paix.
Précédé par un grand concert au stade de Kigali le 30 août, les trois premiers jours de septembre seront consacrés à la musique : des artistes et des groupes venus des trois pays de la région, Rwanda, Burundi et Est du Congo, se produiront dans l’enceinte du Centre culturel de Goma, le seul lieu de la ville où les jeunes, souvent désoeuvrés, peuvent trouver bibliothèque, cyber café et aussi animations culturelles. Sélectionnés dans les trois pays, les groupes de musiciens rap convergeront vers le Nord Kivu et à Goma ils retrouveront des artistes de renommée internationale, Youssoupha, Freddy Masamba, Pitcho Womba Konga et Lexxus Legal, amenés de Bruxelles, de Paris, de Kinshasa.
Mais d’ores et déjà, une présélection s’opère à Goma : chaque samedi, des artistes locaux défilent sur le podium, dans l’espoir d’être retenus pour le show final. Bellamy, l’un des responsables du Centre culturel, qui donne les formations musicales après être lui-même venu en Belgique, se félicite des progrès de ses élèves : « ils ont appris à poser leur voix, à se tenir en scène, et certains osent proposer leurs propres compositions… »Les rappeurs de Goma sont aussi des poètes, leurs chansons interpellent le monde pour lui demander de ramener la paix, ils expriment les espoirs de tous ces jeunes qui, vissés sur leur chaise, ne perdent pas une miette de ces concerts préliminaires, sortes de joutes éliminatoires. Durant tout l’été, chaque samedi après midi verra défiler huit à neuf groupes, présentés par Jean-Claude, un animateur d’enfer, tandis que Bellamy ne résiste pas à la tentation de monter lui-même sur scène. Mais on n’est pas au Congo pour rien : lorsqu’une vedette locale, JC Kabongo, se lance dans la rumba, la foule exulte… Visiblement, la sélection sera difficile, elle aura lieu à l’applaudimètre mais aussi sur Facebook, où les internautes sont invités à voter.
En plus des artistes internationaux et des jeunes groupes qui auront été sélectionnés, le festival présentera aussi des groupes traditionnels venus du Rwanda, du Burundi et de toutes les communautés du Kivu. Ce samedi là, le groupe Kano, venu de Walikale, une région plus connue pour ses carrés miniers et ses violences que ses talents artistiques, a suscité l’enthousiasme unanime, avec ses danseurs au costume de paille et au visage couvert de kaolin, des hommes et des femmes venus de la brousse, qui ont démontré leurs extraordinaires talents de danseurs et de tambourinaires…
A première vue, le festival Amani est une idée folle : lorsque le Belge Eric de la Motte, qui anime à Goma de nombreuses initiatives de développement, a proposé trois jours de musique et de culture au nom de la paix, beaucoup ont douté. Et puis les soutiens sont venus, les autorités des trois pays de la région ont appuyé l’initiative, la Monusco a promis son appui matériel, des sponsors privés se sont manifestés. Ambitieux, de la Motte espère réunir 12.000 personnes en trois jours, des jeunes des trois pays, qui, au-delà de la musique, apprendront à se connaître et à espérer ensemble, en s’acquittant d’un modeste droit d’entrée de un dollar…
D’ici quelques semaines l’ambitieux slogan du festival s’affichera partout « playing for change, singing for peace », (jouer pour le changement, chanter pour la paix). En espérant que le accords des guitares électriques et les battements des tambours seront plus forts que le crépitement des fusils dans les collines…

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