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Kasai Direct
3 février 2012

La crise artificielle entre la légitimité et la légalité

Quand  « le conglomérat d’aventuriers » instrumentalisé par Kigali envahit notre pays et est accueilli par  plusieurs d’entre nous en « libérateur »,  nous sommes nombreux à ne pas comprendre qu’il vient exacerber « une crise éthique » déjà très profonde. Les fraudes, les tricheries et les autres irrégularités enregistrées au cours de la dernière mascarade électorale sont la face visible de l’iceberg.

 
Après la deuxième mascarade électorale de novembre 2011, la RD Congo donne l’impression d’être un pays  traversant « une sérieuse crise politique ». Certains politicailleurs  Congolais et leurs parrains parlent de plus en plus des concertations pour y trouver une issue. D’aucuns estiment qu’il y a d’une part un pouvoir légitime et d’autre part un pouvoir légal. Un dialogue devrait permettre de trouver « une troisième voie ».
Certes, il est impérieux que les Congolais et les Congolaises, toutes tendances confondues, dialoguent entre eux pour remettre leur pays sur les rails. Et ce dialogue  devrait être institutionnalisé et permanent. Il devrait avoir lieu à tous les échelons de la gestion de notre vivre-ensemble. Cependant, lier ce dialogue à la crise artificielle créée de toute pièce par l’avarice et la cupidité de quelques-uns d’entre nous peut être un signe éloquent de superficialité. De quoi y a-t-il réellement crise ?  Quelle est la véritable nature de cette crise ? De quand date-t-elle ?
La crise est à la fois systémique et anthropologique. Le marionnettisme a capoté ; il fonctionne à l’envers. C’est d’un. De deux,  les cœurs et les esprits des partisans de  ce marionnettisme  ont été « mangés » par l’avarice et la cupidité. S’il y a crise à ce niveau, elle est anthropologique. C’est-à-dire  qu’elle est à la fois politique, économique, sociale, culturelle, religieuse et spirituelle. Plusieurs d’entre nous en font les frais.
 
Explicitons. Depuis les années 60, chaque fois que notre peuple a été consulté dans des conditions d’équité, de justice et de liberté, il a su opérer de bons choix de ses gouvernants. Les élections de 1960 sont un exemple éloquent. Les consultations populaires de Mobutu dans les années 90 en sont un autre. Celles du mois de novembre 2011 ont donné la preuve de son éveil et de sa grande politisation. A toutes ces étapes de notre marche historique commune, la volonté de notre peuple a été ignorée par « les faiseurs des rois ». Lumumba est assassiné le 17 janvier 1961, lui sur qui notre peuple avait jeté son dévolu. Mobutu est chassé du pouvoir par des pays satellites au service des oligarchies d’argent  en 1997 et  les forces du changement ayant contribué à sa mise hors d’état d’agir  sont neutralisées par « un conglomérat d’aventuriers » à la solde des « nouveaux prédateurs ».
Voulant refermer cette longue parenthèse ouverte par ces « nouveaux prédateurs », notre peuple a choisi un fils du pays pour l’aider à avancer dans sa lutte d’autodétermination et d’émancipation du joug  « des faiseurs des rois ». Présentement, il est face au refus de ces derniers d’avaliser son choix. Comment en est-il arrivé là ?
Quand, à travers ses forces de changement, il répond aux consultations populaires organisées par Mobutu, il exprime son rejet  du système dont le maréchal était le ténor. Notre peuple dit son désir du « bien-vivre-ensemble » dans  la liberté et l’égalité. Face à sa persévérance dans ce désir de changement, « les faiseurs des rois » décident de se débarrasser de  Mobutu, de redessiner la carte de l’Afrique  centrale en se choisissant d’autres marionnettes (Kagame et Museveni).  Plusieurs d’entre  nous,  travaillant au règlement des questions internes, n’ont pas intégré, dans leurs réflexions, ce nouveau choix des oligarchies d’argent.   Ainsi, « le conglomérat d’aventuriers » instrumentalisé par les deux  nouvelles marionnettes  « des faiseurs des rois » sera-t-il accueilli, à travers tout notre pays, en « libérateur ». Malheureusement, cette « libération » s’est transformée en tragédie. (Le titre du livre de Charles Onana l’exprime très bien  : Ces tueurs tutsi. Au cœur  de la tragédie  congolaise, Paris, Duboiris, 2009)
Les « faiseurs des rois », « ces tueurs tutsi » et le  « conglomérat  d’aventuriers » qu’ils ont instrumentalisé ont semé et sèment encore la mort dans les pays des Grands Lacs.  Ils ont orchestré  « une guerre de basse intensité » pour avoir accès aux matières premières stratégiques de notre beau et grand pays. Au cours de cette guerre, ils ont essayé de se transformer en hommes et femmes politiques en recourant à l’argent et, à la tricherie et au mensonge.
Ils achètent et vendent tout ou presque : les documents juridiques, les députés, les partis politiques, les voix des électeurs, les postes, les commissions chargées de telle ou telle autre matière, les magistrats, les prêtres, les pasteurs, etc. Ils mentent sur leur véritable identité ; ils initient des moratoires sur cette question sans aller jusqu’au bout. Ils planifient les fraudes et les tricheries aux élections. Ils organisent  des trafics frauduleux des matières premières et s’enrichissent sans cause, etc.  A l’instar de leurs maîtres, ils ont  enfoncé notre pays dans une crise éthique qui ne dit pas son nom. Ils se sont dressés contre le peuple.
Même si, au sein de nos populations, il y a des compatriotes, faibles d’esprit, qui ont fini par singer « ce conglomérat d’aventuriers » et s’accommoder de sa façon d’être et de vivre. Ces compatriotes sont plongés dans une crise anthropologique très sérieuse. (Ils estiment par exemple que d’un processus électoral frauduleux peut sortir un ordre politique juste par la seule volonté des fraudeurs !)  Mais les minorités organisées et les autres forces du changement rejettent  avec la dernière énergie ce système mortifère. Ce faisant, ils témoignent de l’échec de ce  système fondé sur la marchandisation du vivre-ensemble. Ils attestent que la transformation des « nouveaux prédateurs » en hommes et femmes d’Etat est un fiasco. 
Disons que s’il y a crise, celle-ci est fondamentalement éthique.  Cette crise appelle  une rupture profonde ; une rupture avec le système mortifère pour une refondation d’un autre ayant pour base la justice, la vérité, la paix, la solidarité, la fraternité, l’égalité, la liberté, etc. C’est-à-dire toutes ces valeurs pouvant redonner un peu d’humanité à notre vivre-ensemble. Un système respectueux de la volonté de notre peuple, de son désir du « mieux-vivre-ensemble ».
Nous ne le dirons jamais assez : « Il n’est pas tard pour qu’une Commission Justice, Vérité et Réconciliation » soit remise en bonne et due forme sur pied chez nous ». Un travail titanesque avait déjà été abattu par l’Office des Biens Mal Acquis à la Conférence Nationale Souveraine.  Après la guerre de l’AFDL, plusieurs commissions ont produit des rapports fouillés sur la marche de notre pays. En dehors des  rapports des experts de l’ONU, il ya, entre autres, ceux des commissions Lutundula et Bakandeja. Refermer la parenthèse de la prédation et de la mort dont notre pays souffre depuis plus de cinq décennies peut être facilité par le travail abattu à la Conférence Nationale Souveraine et dans  les  commissions susmentionnées.  La crise artificielle entre la légitimité et la légalité dont parlent certains politicailleurs Congolais  et leurs parrains est la face visible de l’iceberg. Nous devons pouvoir aller au fin fond des choses.  L’exemple de l’Afrique du Sud (avec sa Commission Vérité et Réconciliation) peut nous être utile. Les institutions Congolaises (autres que politiques) et les associations citoyennes peuvent faciliter cette tâche.  Elle peut aussi être assumée demain par un « nouveau » pouvoir à la fois légitime et légal.
 
J.-P. Mbelu
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