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26 décembre 2011

RD Congo : cette prison à ciel ouvert !

 

L'article ci-dessous date du 08.03.2011, mais nous avons trouvé que son contenu est toujours d'actualité en ce qui concerne la République Démocratique du Congo. C'est la raison pour laquelle nous le reproduisons pour une deuxième lecture. Monsieur l'Abbé Jean-Pierre Mbelu y analyse la situation sociale des Congolaises et des Congolais vivant au Congo, une prison à ciel ouvert. Ils ont atteint un niveau de non-retour; la lutte pour retrouver leur dignité en tant qu'homme est inévitable. Bonne lecture!

 

Écrit par Jean-Pierre Mbelu   

Mardi, 08 Mars 2011 
Au début de l’année 2011, un documentaire intitulé « Meurtres à Kinshasa. Qui a tué Laurent-Désiré Kabila » est venu lever un tout petit coin de voile sur un emprisonnent de plus de 30 compatriotes à  la suite de l’assassinat du président Laurent-Désiré Kabila.  Interrogé sur la responsabilité d’Eddy Kapend dans cet assassinat, Yerodia, sénateur et idéologue du défunt président répondra qu’il n’y est pour rien mais qu’il ne sera pas relâché tant qu'on ne trouvera pas de "solution de rechange". C’est à-dire tant que les véritables commanditaires de cet assassinat ne seront pas arrêtés. En d’autres termes, il y a aujourd’hui, à la prison de Makala à Kinshasa, des compatriotes arrêtés, sans jugement et attendant une « solution de rechange ». Tant qu’il n’y aura pas cette « solution », rien ne pourra changer à leur sort.
Si nous ajoutons à ces compatriotes emprisonnés depuis l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila tous les autres soupçonnés d’avoir fomenté de « vrais-faux  coups d’Etat » d’avoir eu le tort de demander à leurs compatriotes de se mettre debout ou d’avoir attenté à la dignité de certains gouvernants, nous arrivons à un nombre impressionnant des nôtres vivant dans des conditions infrahumaines  dans ces mouroirs abusivement appelés centres de rééducation. Et tant que le peuple congolais ne s’est pas mis debout pour mettre fin à cette opprobre, le monde observe un silence affolant  sur notre pays, cette prison à ciel ouvert, muni de plusieurs cachots !
 
Au début de ce mois de mars, quelques syndicats congolais ont organisé une marche pacifique, allant à l’encontre de la décision prise à la dernière minute par le gouverneur de Kinshasa de l’interdire. (La vidéo de cette marche peut être visualisée sur le site de Congomikili.) Et il est intéressant d’écouter l’une ou l’autre intervention des marcheurs sur le nombre d’années ou de mois accumulés par les employés sans salaire.
Vers la fin de la première semaine de ce mois de mars, des échauffourées survenues entre la garde du musicien congolais Werrason, la police belge et quelques compatriotes décidés à ne pas laisser ce musicien se produire à Bruxelles ont créé un évènement à  Kinshasa. Dans une vidéo dénommée « ça chauffe à Kinshasa : les fans de Werrason en colère  contre Honoré Ngbanda et les bana poto », Congomikili (du 08 mars 2011) permet d’entendre quelques points de vue des compatriotes vivant sur place à Kinshasa sur la misère sociale que connaît notre pays. Hier (07 mars 2011), quelques compatriotes (dont Serge Gontcho) sont revenus longuement, dans l’émission Dialogue entre Congolais de la Radio Okapi , sur la flambée des prix sur le marché congolais.
De tout ce qui précède, il devient de plus en plus clair que le Congo dit démocratique est un pays où les droits sociaux et économiques n’existent presque pas. Et pourtant, dans le texte fondateur de la troisième République, la vie de l’homme, sa dignité sont déclarées sacrées. Comment d’une part proclamer que la vie de l’homme est sacrée et de l’autre pays, être incapable d’assurer à cet homme le minimum requis pour qu’il vive dignement ?
Le minimum, c’est-à-dire l’eau, le vêtement, le toit, l’emploi, la nourriture, l’école et les soins de santé. Comment d’une part proclamer que la vie de l’homme est sacrée et d’autre part, éviter de créer des conditions qui lui permettent de vivre dignement ? Certains compatriotes croyant dans le discours mensonger du FMI sur les effets  positifs de la suppression de la dette odieuse de notre pays étaient tombés dans le piège du pouvoir en place décrétant l’année 2010 « année du social ». Au grand dam de plusieurs naïfs d’entre nous, le petit cercle des riches illégaux et illicites ne s’est pas agrandi. Cela fait qu’au jour d’aujourd’hui, plusieurs « armes de destruction massives » sont mises en place contre nos populations : ou c’est l’insécurité militaire ou c’est l’insécurité alimentaire ou c’est l’insécurité sanitaire ou c’est l’insécurité éducationnelle ou c’est l’insécurité vestimentaire, etc. qui tue plusieurs de nos compatriotes physiquement ou humainement. Toutes ces « armes de destruction massives » quand elles ne tuent pas l’homme congolais physiquement, elles tuent en lui et en sa progéniture le sens de l’humain et de la dignité. Elles le réduisent à l’état sauvage. De temps à autre, le petit cercle des riches illégaux et illicites lui jette quelques graines de riz ou quelques petits billets de dollars sans que la question de ses droits économiques et sociaux soit prise en compte. Quand le sens de l’humain et de la dignité  est tué en lui, les jeux et la musique obscène lui sont offerts comme drogues pour sa distraction.
 
(La dernière vidéo de Congomikili (du 08 mars 2011) est très bien éloquente à ce sujet : une différence de jugement est très bien perceptible entre les fans de Werra, enfants de « la rue » pour la plupart, et les autres. Pour rappel, « la rue congolaise compte déjà de grands-parents dans ses rangs !)
A l’allure où vont les choses dans notre pays, la dérive autoritaire et sécuritaire risque de  faire du cachot ou de la tombe les lieux de choix des compatriotes ayant atteint le fond de l’abîme creusée par la misère sociale (et anthropologique).
Un fait est vrai : le Congo n’est pas une île. Il est pris dans la tourmente de la grande crise néolibérale. Tous les pays du monde sont dedans au point d’inciter Susan George à écrire ceci : « Le plupart de gens ne l’ont pas encore remarqué, sauf une petite minorité : nous sommes tous en prison. Les gardiens ne sont pas idiots, ils nous laissent nous promener (et danser) librement au soleil et voir les films de notre choix, mais souvent, pour ce qui compte vraiment dans notre vie, nous ne sommes pas libres. » (S. GEORGE, Leurs crises, nos solutions, Paris, Albin Michel, 2010, p.9) Elle fustige « l’incapacité manifeste de ces gouvernants (du monde) à comprendre ou à prendre au sérieux l’état de l’opinion, l’indignation générale, l’urgente nécessité d’agir (…) » (p.10)  Elle prône (et nous avec lui) la nécessité d’une action interconnectée dans l’urgence.
Pour elle, « les obstacles (à cette action) ne sont pas techniques, pratiques ou financiers mais politiques, intellectuelles et idéologiques. » (p.10) Un premier grand pas peut être déjà fait si nous comprenons que « cette crise nous a emprisonnés  mentalement et physiquement et que nous devons nous libérer. » (p.10)
Trois ou quatre compatriotes intervenant sur la dernière vidéo de Congomikili donnent la nette impression d’avoir compris la nature de cette prison et la nécessité des actions à mener en synergie entre le pays et la diaspora pour démonter ses murs épais. Il y a là quelque chose d’essentiel à capitaliser. (Les NTIC nous y aident !)
Contrairement aux propagandistes des « cinq chantiers » à travers les médiamensonges et sur Internet, la prise de parole par nos populations met à nu la descente douloureuse de notre pays en enfer. Dieu merci ! Il y en a, de plus en plus, qui estiment être prêts à tous les sacrifices  pour éviter que le non-respect de leurs droits sociaux et économiques ne compromette durablement la dignité et la liberté des générations futures. Même si le copier-coller des révolutions tunisienne et égyptienne est difficile à réaliser en un clin d’œil, il arrive que les manquements à la justice sociale atteignent un seuil insupportable pour un peuple donné. Là, il va signer  eyoma ! Il va se dire : « Si je ne me bats pas pour ma liberté et ma dignité, je meurs. Si je me bats, je peux mourir ou renverser les rapports de force en ma faveur. » Là, il peut opter résolument pour une lutte multiforme jusqu’au jour où le minimum vital lui sera garanti. Le Congo a atteint ce seuil insupportable d’injustice sociale.  De plus en plus, les cercles des « minorités organisées » s’élargissent, s’interconnectent et les Congolais(es) risquent d’étonner le monde !
 

JP Mbelu

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