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1 juin 2013

Les dessous de l’économie de la Sape en RDC

Dada Weston dans un ensemble en cuir vieilli signé Jean Paul Gaultier.
Dada Weston dans un ensemble en cuir vieilli signé Jean Paul Gaultier.
RFI/Habibou Bangré
Par Habibou Bangré

Souvent démunis, les sapeurs de Kinshasa multiplient les stratégies pour posséder les plus grandes griffes. Beaucoup font appel à la générosité de leurs proches à l’étranger, mais d’autres s’y refusent et traquent les bonnes affaires jusque sur internet.

« Mon père aimait tellement la Sape… Je me souviens encore comment il se chamaillait avec ma mère parce que dès qu’il avait son salaire, il allait en acheter. Dans la rue, on l’avait même surnommé Weston parce qu’il aimait trop les chaussures de cette marque », raconte Darling « Dada Weston » Mbaki, un cambiste de 29 ans installé à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC).

Hier comme aujourd’hui, les fidèles de la Société des ambianceurs et des personnes élégantes (Sape) vénèrent toujours les grands créateurs, dont les vêtements, chaussures et accessoires peuvent coûter plusieurs centaines ou milliers d’euros. Une fortune pour les deux tiers des 68 millions de Congolais qui vivent avec 1,25 dollar par jour dans l’ex-colonie belge, où le salaire minimum a été revalorisé à 90 dollars.

« Un vêtement n'a pas de prix ! »

Une fortune ? « Un vêtement n’a pas de prix ! », rétorque John Sambi, 27 ans, autoproclamé « Roi de la Sape ». Les sapeurs – qui seraient quelques milliers à Kinshasa, ville de 10 millions d’habitants – ne sont pourtant pas mieux lotis. Junior Kipulu – alias « Maison Rei », une référence à la créatrice japonaise de Comme des Garçons, Rei Kawakubo – reçoit pour l’heure des créations offertes par des proches en Europe.

« La vie est difficile, justifie le céramiste de 28 ans qui, les mois fastes, gagne 350 dollars. J’ai un enfant qui va à l’école et je ne veux pas dépenser le coût des frais de scolarité pour de la Sape ». Pour Mobonda Elabe, connu dans le milieu sous le nom de « Chancelier », c’est une aberration. « Un sapeur qui fait la mendicité des habits n’est pas un vrai sapeur », tonne avec dédain ce cambiste de 37 ans.

Lui est marié et père de trois enfants. « Je gagne environ 800 dollars et, tous les mois, j’en garde 300 pour la sape ». Résultat : des malles et des valises qui débordent de vêtements Marithé et François Girbaud, Cerruti, Jean Paul Gaultier, Yohji Yamamoto, Issey Miyake, Dior, qu’il repère sur internet. Il transfère ensuite la somme nécessaire à ses sœurs en France et en Angleterre.

Des boots en poil de lion John Galliano

Dada Weston se ravitaille aussi grâce au web. « Je négocie les meilleurs tarifs par email avec des Congolais de la diaspora à Paris et, quand ils viennent au pays, j’achète avec les petits 10 ou 20 dollars que j’avais mis de côté ». Il a ainsi acquis, entre autres, des boots en poil de lion de John Galliano et, sans surprise, une paire de Weston : « En Europe, elle coûte 1 100 euros mais je l’ai ai achetées à 220 dollars ».

Acheter des créations d’occasion provenant de l’étranger : une pratique tolérée par les puristes de la Sape. Mais être surpris à fouiner dans les friperies kinoises, c’est prendre le risque d’être déconsidéré, voire méprisé. Reste qu’en secret – faute de moyens – certains s’habillent dans des friperies et que, du coup, « jamais ils ne le diront », affirme Deogracias Kihalu, un photographe qui suit souvent les sapeurs.

Plus c’est cher, mieux c’est ? De plus en plus, on vante dans les shows de Sape les marques de prêt-à-porter H&M ou Zara. « Toute griffe est considérable, tout ce qui est étiquette a de la valeur pour la Sape », justifie Maison Rei. Chancelier acquiesce. « Zara coud très bien. La Sape, ce n’est pas forcément acheter le plus cher, il faut avoir le coup d’œil ».

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