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12 juillet 2012

Chebeya & Bazana : John Numbi n’a pas dit la vérité...

L’Inspecteur divisionnaire en chef (suspendu?) de la Police nationale congolaise, John Numbi Banza TamboL’Inspecteur divisionnaire en chef (suspendu?) de la Police nationale congolaise, John Numbi Banza Tambo

C’est un élément nouveau qui vient d’être versé dans le dossier relatif à l’assassinat du défenseur des droits de l’Homme Floribert Chebeya Bahizire ainsi qu’à la «disparition» de son chauffeur et bras droit Fidèle Bazana Edadi. Il s’agit du témoignage du sous-commissaire de police Paul Mwilambwe, un des membres du «commando» qui a procédé, sous la supervision du colonel Daniel Mukalay wa Mateso, à l’exécution de ces deux membres de la «VSV» (La Voix des Sans Voix). Au cours d’un point de presse qu’il a animé, mardi 10 juillet, dans la salle de presse du Parlement européen, le cinéaste belge Thierry Michel a fait projeter quelques extraits de l’interview que lui a accordée le policier en cavale. Celui-ci confirme que les deux militants des droits humains ont été exécutés par «étouffement». L’ordre émanait bel et bien de l’Inspecteur divisionnaire en chef John Numbi Banza Tambo. Quid du commanditaire de ce double crime d’Etat? De qui Numbi a-t-il reçu l’instruction d’«éliminer» Chebeya? A en croire Mwilambe, John Numbi aurait remis une somme de 10.000 dollars aux assassins de Chebeya. Une "prime"?

 Il n’y a pas de crime parfait. A voir le nombre d’énigmes criminelles qui jalonnent les annales de la justice congolaise au cours de ces dix dernières années, la tentation est forte d’affirmer haut et fort que la très mal nommée République «démocratique» du Congo est dirigée par un psychopathe. Un psychopathe entouré par une meute de «tueurs de la République». Des tueurs, bêtes et méchants, prêts à broyer des vies humaines sous prétexte d’obéissance aux «ordres militaires». Leur mission tient en quelques mots : éliminer physiquement tout «contradicteur» ou adversaire politique suspecté de représenter une «menace» pour le pouvoir du «raïs».

 «Ordre militaire»

Mardi 10 juillet, le public venu écouter le cinéaste Thierry Michel - de retour de son voyage mouvementé à Kinshasa - a eu froid dans le dos en écoutant le témoignage - les aveux ? - du sous-commissaire Paul Mwilabwe. Contrairement aux dénégations acharnées du colonel Daniel Mukalay et ses collaborateurs - lesquels ont soutenu tout au long du procès devant la Cour militaire de Kinshasa/Gombe n’avoir jamais «vu» Chebeya et Bazana au Quartier général de la Police lors du rendez-vous fatal du 1er juin 2010 -, Mwilambwe confirme quelques faits essentiels de cet épineux dossier. Primo : Chebeya avait effectivement rendez-vous, le 1er juin 2010, avec l’Inspecteur divisionnaire en chef de la police nationale congolaise, John Numbi. Secundo : Le directeur exécutif de la « VSV » était accompagné de son chauffeur Fidèle Bazana. Tertio : les exécutions ont été accomplies au plan matériel par une équipe dirigée par le major Christian Ngoy, le commandant du «Bataillon Simba», une unité spciale de la police nationale. Quarto : les deux hommes ont été exécutés successivement par «étouffement». «Bazana a été le premier à subir le supplice. Il est décédé cinq minutes après». Pourquoi Bazana ? «L’ordre a été donné de faire subir le même sort à toute personne qui accompagne Chebeya». Quinto : Chebeya a agonisé pendant 25 minutes. C’est sans doute pour cette raison que Chebeya avait le cou tordu. Ses tortionnaires voulaient sans doute "accélérer" son décès. Sexto : Numbi avait remis une «prime» de 10.000 dollars aux «tueurs».

Paul Milambwe a confié au réalisateur belge que Bazana est décédé à 18h30. «Puis le major Christian et 8 de ses hommes sont entrés dans mon bureau pour chercher Chebeya, dit-il. Ils l’ont cagoulé à partir de la réception». Apparemment, le policier n’était pas dans le coup. «J’ai dit (Ndlr : au major Christian) que Chebeya devait être reçu par le général Numbi, souligne-t-il. On m’a répondu qu’il devait être tué». Il lui a été demandé de se taire. Selon Mwilambwe, les deux corps devaient être ensevelis ensemble, conformément aux «ordres». Ordre donné par qui ? L’interviewé ne donne pas de réponse. C’est le colonel Mukalay qui a décidé «d’enterrer seulement Bazana». Histoire de faire croire que le chauffeur a disparu après avoir «liquidé» son patron. Milambwe se dit prêt à témoigner devant les juridictions congolaises compétentes pour autant que sa sécurité «soit garantie». De son côté, Thierry Michel n’a pas encore transmis ce témoignage à la justice.

Jacques Migabo, alias «Amisi Mugangu», alias «Maikekilo»

Les assertions du sous-commissaire Paul Milambwe semblent corroborer pas mal d’éléments fournis à l’auteur de ces lignes par l’autre policier fugitif. Celui-ci détenait un vrai-faux passeport de service au nom d’Amisi Mugangu. Ses courriers électroniques étaient signés : «Maikekilo». Après avoir visionné le film-documentaire de Thierry Michel, le 29 février dernier, on peut gager que le sieur Amisi Mugangu et Jacques Migabo ne seraient en réalité qu’une seule et même personne.

Quelques rappels des faits. Le 2 juin 2010, le corps sans vie de Chebeya est découvert au Quartier Mitendi sur la route de Matadi. Le 4 juin, plusieurs policiers sont arrêtés en incriminant le colonel Daniel Mukalay. L’officier, à son tour, avoue n’avoir fait qu’exécuter l’ordre reçu du général John Numbi. Aidé, selon ses propres dires, par John Numbi, «Amisi» prend un vol d’Ethiopian à Brazzaville. Destination : Kampala, en Ouganda. Il envoie, dès le 16 juin, plusieurs courriels à des diplomates en poste à Kinshasa : «Je suis un commissaire de la Police nationale congolaise du département des renseignements généraux. Je suis le seul officier qui a échappé à la prison et seul officier qui a assisté et voire participé aux assassinats de deux activistes de la Voix des sans Voix. Je suis un des proches du colonel Daniel Mukalay. Je lui servais même de chauffeur. Je suis prêt à témoigner à condition que ma sécurité soit assurée».

Au cours d’un long entretien téléphonique avec l’auteur de ces lignes, le policier, mis en confiance, devient volubile : «Nous l’avons tué (Ndlr : Chebeya) par «étouffement» en lui privant d’oxygène. Nous étions en service commandé». Il ajoute : «C’est le colonel Daniel qui nous avait donné cet ordre qu’il avait reçu de l’IG John Numbi. John Numbi avait reçu cette instruction de la «haute hiérarchie». Au Congo-Kinshasa, "Joseph Kabila" est généralement désigné sous l’appelation de "la haute hiérarchie". Amisi de se confesser littéralement en énumérant les meurtres, les enlèvements et les cas de torture. «Une liste des gens à liquider se trouve au bureau de l’Inspecteur principal, Colonel Daniel Mukalay. Parmi ces gens, nous citons Floribert Chebeya et son chauffeur. Je ne peux pas cacher ça car j’allais me retrouver en prison en ce moment mais Dieu m’a sauvé et c’est John Numbi l’IG lui-même qui m’a payé le billet Brazaville-Kampala via Addis Abéba.»

Qui a tué Chebeya ? «Nous étions au nombre de cinq le jour de l’assassinat. Le colonel Daniel notre chef direct, un inspecteur adjoint, une commissaire principale et deux autres sous-commissaires.» Selon lui, Chebeya devait être abattu, chez lui, le dimanche 23 mai 2010 à 20 heures. «Nous sommes arrivés chez lui le dimanche la nuit pour l’attendre dans sa rue. Nos sources nous avaient dit que monsieur Floribert n’est pas chez lui et doit venir vers 20 heures alors qu’il était déjà rentré. L’opération a échoué.» Il poursuit : «Lundi 31 mai, vers 10 heures, l’Inspecteur général lui-même, le général John Numbi, a appelé le colonel Daniel dans son bureau. Le protocole de l’IG peut en témoigner. Au retour du bureau de l’IG, le colonel nous a réunit, nous les proches. Il nous a dit ceci : sur ordre du général John Numbi et de la hiérarchie vous devez en finir avec le fameux Floribert Chebeya de "La Voix des Sans Voix. Sans laisser des traces".

Qui a ordonné l’exécution de Chebeya? «C’est bel et bien John Numbi qui a instruit le colonel Daniel d’éliminer Floribert. Et moi je fais partie de ces assassins bien sûr (…), car c’est un service commandé.» Qui a commandité ce crime? «Comme je l’ai dit, l’ordre a été donné par la haute hiérarchie». Quel en est le mobile? «Pour le Pouvoir et pour l’IG y compris mon chef «colonel Daniel», «Floribert» est un élément dangereux qui faisait voir au monde les «points négatifs» du régime. Floribert est mort à cause des rapports qu’il a remis aux organisations de défense des Droits de l’homme impliquant le Pouvoir». Il est vrai que, dès le début mars 2010, "Floribert" ne faisait plus mystère de sa détermination à faire déférer notamment John Numbi et Christian Ngoy devant la Cour pénale internationale pour le massacre des adeptes de Bundu dia Kongo commis en 2007 et 2008. Qu’en est-il du corps du chauffeur Fidèle Bazana ? «Quant au chauffeur, son corps a été jeté dans le fleuve vers Kinsuka. Nous avions attaché le corps du chauffeur avec une corde et un gros caillou pour qu’il ne remonte pas».

Depuis le 26 novembre 2011, le sous-commissaire Jacques Migabo, alias «Amisi Mugangu», alias "Maïkekilo, n’a plus été revu en vie. La dernière fois qu’il a été aperçu, il se trouvait à Kampala. Il devait, disait-il, rejoindre son «chef» qui n’est autre que le très redouté major Christian Ngoy, un adepte des arts martiaux. Il faut espérer que les organisations de la société civile congolaise - la vraie - vont saisir la justice internationale non seulement sur l’assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana mais aussi sur la «disparition» du sous-commissaire Jacques Migabo, alias Amisi Mugangu.

Le jeudi 23 juin 2011, la Cour militaire de Kinshasa/Gombe avait prononcé la condamnation de cinq policiers à des peines ci-après : colonel Daniel Mukalay Wa Mateso (peine de mort) ; major Christian Ngoy Kenga Kenga (peine de mort) ; Jacques Migabo (peine de mort) ; Paul Muilambwe (peine de mort). Michel Mwila Wa Kubambo (prison à perpétuité). Les policiers Blaise Mandiangu Buleri, François Ngoy Mulongoy et Georges Amisi Kitungwa ont été acquittés. Dans le film-documentaire «Affaire Chebeya, crime d’Etat ?», le «colonel Daniel» ne cesse de clamer : «Je n’ai jamais vu Chebeya. Je n’ai jamais vu Bazana. On veut me faire le chapeau d’une affaire dont je ne suis pas responsable…». Dans le même documentaire, Numbi de marteler : "Je ne sais pas pourquoi Chebeya devait de me rencontrer. Il n’y a jamais eu d’invitation ou convocation". Vivement la vérité!

 Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant 2003-2012

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