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24 juin 2011

La Libre Belgique : RDC: la campagne réveille de vieux démons

Marie-France Cros

La tension en vue des présidentielles de novembre se fait déjà sentir. De nombreux Congolais redoutent des exactions – qui ont déjà commencé.

Les Congolais de la diaspora sont de plus en plus nombreux à annoncer que, cette année, ils ne rentreront pas en vacances au pays cet été ou à l’automne, du moins pas avant que les présidentielles, prévues pour le 28 novembre, aient eu lieu. Car la tension politique a déjà commencé à croître et beaucoup redoutent des violences.

C’est que la campagne électorale a démarré avant l’heure. Ayant assisté, fin 2010, au retour triomphal d’Etienne Tshisekedi au pays après trois ans d’absence et au fort engouement, à l’est du Congo - qu’il avait gagné à Joseph Kabila en 2006 - pour le fils du pays, Vital Kamerhe, qui a créé son parti et annoncé sa candidature à la présidence après avoir été expulsé de la tête de l’Assemblée nationale par le parti présidentiel PPRD en 2009, le régime de Joseph Kabila a profité de la trêve des confiseurs pour faire adopter en express une réforme de la Constitution. Celle-ci fait passer la présidentielle de deux à un seul tour, formule qui avantage nettement le Président sortant, en raison de l’incapacité notoire de l’opposition à s’entendre sur un seul candidat.

Si le pouvoir vient d’échouer à réformer la loi électorale de manière à favoriser les grands partis, il s’est néanmoins illustré, depuis quelques mois, par les entraves, parfois violentes, mises aux activités politiques publiques de l’UDPS de Tshisekedi et de l’UNC de Kamerhe. Ce refus de jouer "fair-play" donne une idée des doutes du PPRD sur une réélection facile de Joseph Kabila.

Ce dernier a, en effet, perdu le soutien de l’est du pays, où il avait récolté des taux staliniens en 2006 (94 à 98 % des votes). En cause : promesses non tenues (discipliner l’armée), mesures économiquement dommageables (suspension de l’activité minière de septembre 2010 à mars 2011, ce qui a bloqué les échanges et endetté les ménages), incapacité à ramener la paix (les exactions de l’armée et des groupes irréguliers restent un calvaire pour la population) même si des coups importants ont été portés aux groupes armés.

L’ouest du pays, qui était acquis à Jean-Pierre Bemba en 2006 (60 à 70 % des votes), reste peu favorable à Kabila - parce qu’il est de l’est, parce qu’il a favorisé les originaires du Katanga (la province de Kabila père) et parce que la vie du Congolais moyen ne s’est pas améliorée durant ses cinq ans de présidence. Si de nombreux chantiers routiers ont été lancés, leur effet ne se fait pas encore sentir, alors que la distribution d’eau et d’électricité s’est détériorée, que la malnutrition a progressé, que le chômage ne s’est pas résorbé et qu’il est de plus en plus difficile de nouer les deux bouts pour l’homme de la rue.

Bref, concluent beaucoup de Congolais : les seules provinces que Joseph Kabila est sûr de remporter, sont le Maniema de sa mère et le Katanga. Mais, dans cette dernière - où a été dénoncé l’enregistrement comme électeurs d’enfants mineurs - la tension croît.

Les 24, 25 et 26 mai derniers, accuse ainsi Paul Nsapu, président de la Ligue des électeurs congolaise et secrétaire général de la FIDH (Fédération internationale des ligues de défense des droits de l’homme), le président de l’assemblée provinciale du Katanga, Gabriel Kyungu, qui effectuait une tournée dans l’arrière-pays, a tenu, lors de meetings, des propos invitant les originaires du Kasaï vivant dans la province (parfois depuis la colonisation belge) à se faire enregistrer comme électeurs au Kasaï et annonçant qu’il ne laisserait pas les partis d’opposition faire campagne au Katanga. Un discours "séparatiste " et "tribal" que M. Nsapu a dénoncé - alors qu’aucun responsable du gouvernement ne condamnait ces propos. Au nom de la FIDH, M. Nsapu a "déploré les agissements de M. Kyungu, qui bat campagne sur des bases inadmissibles qui nous rappellent l’épuration ethnique de 1992".

Cette année-là, et en 1993, alors qu’il était gouverneur de la province pour Mobutu, M. Kyungu avait encouragé des pogroms anti-Kasaïens qui avaient déplacé de 200 000 à 700 000 personnes, selon les versions, et provoqué de nombreux décès. Les violences avaient commencé après que les Kasaïens du Katanga eurent manifesté leur joie de voir le Kasaïen Tshisekedi élu Premier ministre par la Conférence nationale souveraine, et se furent moqués d’un de ses adversaires, le Katangais et ex-Premier ministre Nguz.

Autre indice de tension : le saccage, à la mi-juin, d’une télévision de Lubumbashi appartenant à Me Jean-Claude Muyambo, après qu’il eut critiqué le gouverneur en place, Moïse Katumbi, qui a pris des distances avec le pouvoir.

De nombreux Katangais disent aujourd’hui que "si Tshisekedi gagne" la présidentielle, "on fait sécession". Beaucoup craignent aussi que ce dernier - qui, à 79 ans, livre le dernier combat de sa vie politique - provoque des troubles "à l’ivoirienne" s’il perdait le scrutin.

"Si le Katanga part, une partie du Kivu sera tentée de l’imiter" , note pour sa part un observateur au Nord-Kivu.

Enfin, l’UDPS de Tshisekedi, qui a souvent adopté un langage xénophobe, ces dernières années, pour stigmatiser Joseph Kabila comme " Tutsi" ou " Rwandais" afin de reporter sur lui l’exécration des Congolais contre l’armée rwandaise, qui a occupé le Congo (1996-2003), reprendra-t-elle cette coupable campagne ?

Les mois qui viennent, à l’évidence, demanderont une grande vigilance de la part des défenseurs des droits de l’homme au Congo.

Charles Gba
Monitoring unit
PID/MONUSCO
Tel: 0819605764
E-mail: gba@un.org

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