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Kasai Direct
13 mars 2011

Kasaï occidental : les veuves ne veulent plus être héritées

  

 A Kananga, en RD Congo, les femmes multiplient les initiatives pour mettre fin au lévirat, qui oblige une veuve à se remarier dans sa belle-famille au risque d'attraper le sida. "A la mort de mon mari, j’ai catégoriquement refusé de me remarier avec son frère, comme me l’imposait ma belle-famille. J’ai quitté la famille, laissant derrière moi mes cinq enfants mais je ne regrette pas ce sacrifice, raconte Élisabeth Bilonda de la mission Katende Mon prétendant de beau-frère était trafiquant à Tshikapa, une zone minière réputée pour la prévalence du vih-Sida. Je ne voulais en aucune façon risquer ma vie en cédant à cette coutume dépassée. "
D’autres ont eu moins de chance ou de courage qu'elle. "Je suis malade du sida. Je n’ai jamais commis d’adultère de ma vie. J’ai été contaminée par mon beau-frère que j’ai épousé à la mort de mon mari. J’avais cédé aux pressions, espérant protéger mes enfants. Je vais mourir et ils vont se retrouver orphelins de père et de mère", témoigne une jeune mère en phase terminale, la voix écrasée par les sanglots.

Pressions familiales

Pauline Tshiela, habitant aussi la mission de Katende, souligne pour sa part sur les raisons qui justifient cette pratique dégradante pour la femme. "Dans certains cas, sous le prétexte de casser les liens avec le défunt mari, la femme subit de fortes pressions pour entretenir des relations sexuelles secrètes avec un homme de la famille, seule condition pour qu’elle puisse se remarier ailleurs", explique-t-elle, dénonçant cette pratique comme dangereuse car elle peut être la voie de transmission des maladies sexuellement transmissibles comme le sida.
Selon le Dr Aubin Mpanda du Programme provincial de Lutte contre le Sida qui participait à une animation sur ce thème, le lévirat pourrait figurer parmi les pratiques favorisant la transmission de la pandémie, au même titre que la prostitution non protégée, les mariages précoces ou forcés, la promiscuité dans les habitations, le manque d’information et l’absence de dépistage. Aucune statistique n’est fournie pour confirmer le lien entre lévirat et sida mais de nombreux témoignages en font état.

Pour la dignité des femmes

"Quand une veuve se remarie, il y a toujours des risques de maltraitance pour ses enfants, de la part du beau-père. Mais cela ne suffit pas pour maintenir cette pratique d’antan. On ne peut pas continuer à suivre aveuglément ces coutumes rétrogrades. Beaucoup de personnes réfléchissent d’abord aux conséquences", explique Kalamba, chef coutumier dans un village voisin.
En effet, le lévirat est encore pratiqué dans beaucoup de villages du Kasaï occidental, les femmes prennent cependant de plus en plus le courage de revendiquer leur liberté de choix. Celles qui sont instruites et diplômées, surtout en droit, prennent des initiatives pour sensibiliser et faire circuler l’information sur les droits de la femme. "Nous devons protéger les femmes et les enfants contre ces coutumes dépassées. Dans notre pays, la Constitution prévoit l’égalité et la parité entre les hommes et les femmes mais ce que nous réclamons, c’est la justice au quotidien", confiait Marie Jeanne Tudimuene, le chef de la sous division de l’enseignement Kananga II, lors d’un séminaire sur le leadership féminin, organisé à l’occasion de la dernière journée internationale de la femme.
La tâche est ardue car il est difficile de lever toutes les croyances liées au lévirat. Même parmi les femmes instruites et informées, certaines se laissent prendre au piège de la tradition. "J’ai refusé de me remarier dans ma belle famille mais par peur, j’ai accepté d’avoir des relations sexuelles avec un membre de la famille, pour lever le deuil de mon mari. Selon la coutume, je risquais la mort ou la folie si je refusais. Mes études ne m’ont servi à rien dans cette affaire. Aujourd’hui, je regarde cette personne avec dégoût", confie une jeune médecin s’adressant à son amie avocate.
Pour maintenir la pression sur les jeunes femmes, quelques personnes âgées brandissent la sentence. "Pour nos ancêtres, on peut traverser un pont mais on ne peut pas transgresser les lois qui nous régissent. Ceux qui ne respectent pas les coutumes seront tôt ou tard punis, par la mort ou la folie", clame Mutombo, un vieux notable de 73 ans.

Par BONGOS ROGER - Publié dans : CONGO DEMOCRATIQUE (RDC)

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